«Transition démocratique et enjeux éthiques » tel est l'intitulé du colloque qui s'est tenu le jeudi 15 décembre 2011 au siège de l'Institut de recherche sur le Maghreb contemporain en collaboration avec l'Association tunisienne d'anthropologie sociale et culturelle. La première série d'interventions présentées respectivement par Abdelkader Zghal, président del'ATASC, Pierre-Noël Denieuil, directeur de l'IRMC et la sociologue Lilia Ben Salem, a pour objet de revoir les principes anthropologiques à la lumière des événements résultant de la Révolution. Quel rôle peut-on assigner à la politique en rapport avec la culture et la notion de la citoyenneté ? Y a-t-il un clivage entre éthique et politique ? Il y a lieu de penser via les diverses interventions que la dialectique voire la dissonance ou encore le confit entre les normes éthiques et l'exercice de la politique pose problème aussi bien pour les politiciens que les théoriciens en matière de sociologie ou d'anthropologie. Le politologue italien Machiavel , dans son œuvre, “Le prince'', a écrit « la fin justifie les moyens », est-ce dire que les partisans de la politique devraient faire abstraction de l'éthique ? Evidemment, non . L'ensemble des communications du colloque en question s'accordent à montrer que la démocratie est, a priori, la reconnaissance de l'autonomie et la différence de l'Autre, ce respect constitue en soi une éthique que le grand sociologue français Edgar Morin appelle “la reliance éthique''.L'intervention de l'anthropologue française Catherine Neveu « des fabriques de citoyenneté ordinaire» s'inscrit dans le cadre des principales mutations éthiques variant entre l'universel et les spécificités locales de ce néo-communautarisme qui devrait selon Paul Ricœur, prendre comme « point de départ, la liberté et point d'arrivée, la loi». L'intervenante s'est intéressée, en particulier, à la citoyenneté approchée empiriquement en Europe et en Amérique latine pour aboutir aux changements identitaires et culturels qui subsument les valeurs de la citoyenneté. La multitude et l'évolution des formes de la citoyenneté dans plusieurs pays s'insinuent dans une large mesure sous un éventail d'appellations différentes telles que : progressiste, nationaliste,'' excluante'' et inégalitaire, dit-elle. A titre d'exemple, aux Etats-Unis, la notion de citoyen est fondée sur la liberté car il s'agit d'une société d'immigrés venant de tous bords et dont la religion et la culture sont différentes alors qu'en d'autres pays européens il y a confusion entre nationalité et citoyenneté. Dans le souci de relier cette panoplie de concepts (citoyenneté, liberté, face book) relatifs à la transition démocratique en Tunisie, l'universitaire Imed Melliti, dont l'intervention porte sur la «démocratie et la gestion politique des conflits: les enjeux éthiques» a mis l'accent sur la création d'un climat d'entente et de consensus entre tous les acteurs de la scène politique de la Tunisie postrévolutionnaire. En vue d'apporter à sa communication un éclaircissement d'ordre illustratif, il a cité l'exemple de deux institutions que leur fonctionnement a pris fin après les élections du 23 octobre, à savoir, la Haute Instance pour la Réalisation des Objectifs de la Révolution et L'ISIE. De même qu'il a mentionné les théories des deux éminents sociologues, Elias et Freund ainsi que le modèle de la polémologie qui se focalise sur le repérage des conflits, leur origine et mode de propagation tout en rappelant que la gestion des conflits se fait dans l'action et non pas dans la pure théorisation de préceptes. Achevant ainsi ses propos par cette phrase « la légitimité ne pourrait avoir lieu sans compromis et le compromis ne pourrait avoir lieu sans consensus », il est question d'un rapport de cause à effet qui nécessite l'entraide de toutes les parties prenantes ayant intérêt à être consensuelles et pas forcément unanimes. Dans le même enchaînement d'idées sur la relation entre le déclenchement de la révolution et la liberté d'expression des citoyens, la psycho-anthropologue, Myriam Achour, dans sa communication « Banalement citoyens : une anthropologie de l'écriture sur Facebook »,énumère les différentes dimensions de l'exercice de la citoyenneté, notamment, via la socialisation des moyens de communication numérique. Les jeunes ,dit-elle, se positionnent linguistiquement par le choix du support langagier de leur écriture et ce en optant pour la langue arabe littéraire, dialectale ou bien la langue française. D'où ‘'une culture graphique commune'' qui ne cesse de ‘'se tunisianiser''pour donner lieu à un cyber-militantisme à la tunisienne qui s'est répandu ultérieurement dans d'autres pays arabes en reprenant presque les mêmes slogans.