Par Bochra Belhaj Hmida - A deux reprises, une fois sur un journal tunisien et une autre fois sur le journal le Monde*, une comparaison a été faite entre les membres du futur gouvernement et ceux du parti (ANC) de Nelson Mandela. Mis à part les années de prison subies par les militants d'Ennahdha et de Mohamed Abbou du Cpr, toute comparaison avec Mandela me semble inappropriée pour plus d'une raison. Je me contenterai de quelques unes : D'abord, Mandela est d'une modestie renversante. Tous ceux et celles qui l'ont rencontré, y compris les tunisiens et tunisiennes, ont été frappés par son humilité. Ce n'est pas le cas de nos dirigeants qui n'ont cessé de rappeler à chaque occasion leur légitimité populaire mais aussi leur légitimité politique, invoquant les lourdes peines auxquelles ils ont été condamnés, leur militantisme et leur résistance, niant aux autres toute légitimité, y compris à leurs compagnons de route qui se trouvent aujourd'hui dans l'opposition , au point que je me demande si l'ingratitude n'est pas une condition de la réussite en politique. Vous n'êtes pas Mandela parce qu'il a passé 27 ans de sa vie en prison et seulement cinq ans Président, élu au suffrage universel. Nos dirigeants, ont déjà trahi leur engagement de ne rester qu'une année. Mandela a évité à l'Afrique du Sud une guerre civile, a apaisé les gens des deux « races » et réussi une conciliation incroyable d'un peuple divisé et déchiré par des années de guerre, de haine, d'humiliation, d'assassinats et de crimes. La majorité a pardonné à la minorité les atrocités de l'apartheid, tandis que nos dirigeants ont pardonné trop vite à certains symboles de l'ancien régime dans le milieu des affaires mais ont ouvert les brèches de la discorde et des fronts de divisions entre les tunisien(ne)s. Désormais, on oppose les «croyants» aux «mécréants», les «francophones» aux «défenseurs de la culture arabophone», les «télévisions sacrées» aux «chaines maudites», les «femmes voilées respectables aux «démocrates peu vertueuses» etc… C'est vrai que vous n'êtes pas les seuls responsables mais vous en êtes les premiers car vous n'avez donné aucun signal fort ni de gestes significatifs. Vous n'avez dit aucune parole susceptible d'apaiser les gens et les haines. Au contraire vous avez été d'une suffisance et d'une arrogance insupportables. Mandela est un grand Monsieur parce qu'il n'a cessé, malgré les violences subies par sa personne, ses militants et son peuple, de prôner la non violence et la paix .Mais vous qu'avez-vous fait depuis le 23 octobre pour arrêter les violences physiques, verbales, les menaces et les intimidations? Seule une députée a eu le droit à la solidarité de Monsieur le Président de la Constituante mais tous ces enseignants, ces artistes activistes, ces communicateurs, menacés, violentés, sont ils des citoyens de seconde zone ? Alors, prière ne vous comparez pas à Nelson Mandela. Mandela n'a pas cherché à compenser les siens en leur accordant des postes au gouvernement, écartant même sa femme pour des soupçons violence et népotisme. Quant à vous, vous trouvez normal de placer les vôtres à la première occasion et de reconduire une pratique de sinistre mémoire dans le pays. Mandela a rendu justice à toutes les victimes par l'instauration du comité « vérité et conciliation » loin des arcades partisanes du pouvoir, vous prônez une démarche contraire et certainement pas rassurante.. Mandela a mené une lutte acharnée contre le sida et je n'ai pas entendu un seul futur dirigeant aborder ce sujet alors que l'administration tunisienne a commencé très tôt, un travail très important, grâce au courage de quelques personnes, plus préoccupées par la santé publique que par des préoccupations électorales. Mandela dégage une beauté et un humanisme que je n'ai pas vu sur les nouveaux visages de la politique. .Même ceux que je trouvais humains ont changé, l'orgueil aidant gâche tout. Vous n'êtes pas Mandela mais vous pouvez faire quelque chose comme lui. Ecrire une constitution comme celle de son pays, une constitution exceptionnelle qui n'a exclu personne et est devenue uneréférence mondiale. En attendant, commencez par la distribuer aux député(e)s. Cela ne peut qu'être utile à notre pays et peut être là vous aurez une occasion de prendre exemple sur un grand: Nelson MANDELA. *Le journal Le Monde du 18 et 19 décembre