L'espace « Dar Chérif » à Houmt-Souk a accueilli, dernièrement, une exposition de photographies de Dilbar Combernous, intitulée « Empreintes ». L'artiste, d'origine indienne, séjournant, souvent, en Tunisie, a posé son objectif sur des rivages lointains, mais si familiers, tellement les rivages aux rivages se ressemblent. Et la mer, toujours recommencée, déclinée à l'infini. L'instant figé, immortalisé, et pourtant si vivant, si frissonnant. Quand la vague océanienne frémit, elle dessine des rides sur la surface de l'eau. Quand elle se retire et offre au regard la nudité d'un rivage, elle cisèle le sable, y inscrit des hiéroglyphes d'une beauté saisissante et mystérieuse. Des centaines d'êtres s'approprient l'espace, un moment libéré de l'étreinte marine, et s'adonnent à une parade singulière. Certains émergent des fonds sablonneux, aériens telles des bulles d'air et y impriment les traces de leur danse. Alors, des perles d'eau scintillent et se muent en parures somptueuses et inimitables. Les vers marins esquissent des arabesques élégantes. D'autres quittent les hauteurs célestes et posent leurs pattes sur le sable mouillé et y inscrivent des tatouages sublimes, magnificence et exubérance des signes. La vague brode des dentelles légères et fines. Le sable exhibe la danse des crabes, retient les traces des pas, tantôt en relief, tantôt en creux, instant fugace où la mer est si loin qu'elle ne peut effacer « les pas des amants désunis ». Le sable garde la trace d'un instant unique, une promenade solitaire, la caresse d'une vaguelette qui effleure les pieds, le sable qui se dérobe avec douceur et sculpte les contours des pas nonchalants et heureux. Quand la mer essaime les coquillages, ultime don, ils offrent la brillance de leur nacre argentée à la lumière de l'aube, aux rayons solaires, au jour déclinant, s'étalent sur un lit de sable aux reflets bronzes, ocres et bruns. Au loin, les palmiers se penchent sur le rivage et se mirent dans les flaques abandonnées par les dernières vagues. Le vent les fait courber et donne des ridules à la surface de l'eau. Ici, la vague creuse des rigoles qui chantent et plongent avec ravissement dans les sinuosités sablonneuses. Là, elle agite la chevelure des algues qui frissonnent et ondulent. Ronde des ondes, ballade du flux. Photographies en noir et blanc qui nous rappellent cette teinte jaunie et passée des vieilles photos de notre enfance, les instants éphémères et précieux que la mémoire tente de retenir. L'artiste a choisi de ne pas les titrer, ce qui leur confère davantage d'intensité et de force. Son objectif s'est ingénié à fixer notre regard sur l'infini, mais également sur les traces ténues et fragiles d'un rivage. Son regard a agrandi les signes tracés par la vague et la faune marines. Notre regard suit, avec émerveillement, le sien, déchiffre, fasciné, les sillages d'un rivage et les marques du temps, un moment suspendu.