Par Youssef SEDDIK - Ne comptez pas sur moi pour vous indiquer la référence exacte de ce conte que je m'en vais vous narrer. J'ai tout simplement oublié. Dans les temps pas tellement immémoriaux des fastes califats, un esclave servant le festin à son maître a laissé échapper vers l'habit royal, une minuscule tâche de sauce, bien visible tout de même sur l'immaculée vêture. Un instant de silence et d'effroi s'est abattu sur les convives, la Cour, les chambellans et autres pages. L'esclave fixé par les yeux paralysants de son maître a eu une étrange présence d'esprit. Il s'est saisi de la soupière ou de l'adobe contenant tout le plat et l'a versé sur la tunique califale. Une éruption d'indignation dans l'assistance. Et au monarque de faire signe à son bourreau, toujours à portée d'un geste. Le futur supplicié est mis en position pour être décapité sans attendre. Mais le calife se ravise poussé par la curiosité. Avant que vous ne seriez envoyé au diable, dis-moi, malheureux, pourquoi as-tu si follement aggravé ton cas ? Sire, vous êtes si vénéré par nous tous que je ne tenais pas à vous voir me punir de mort pour une si petite négligence que la minuscule tâche de sauce. Mort pour mort, autant que vous l'ordonniez pour moi suite à un forfait digne d'envoyer un humain dans l'au-delà. Je ne voulais pas que l'histoire retienne que votre majesté a tué pour rien. Comme dans tous les contes de ce genre, le condamné a obtenu sa grâce et sauvé son âme et son corps. Comme quoi face au pouvoir et à sa toute puissance, il faut aller jusqu'au bout d'un défi où garder sa place de sujet tranquille et sans histoires.