Par Sana BEN ACHOUR - Les débats à l'Assemblée nationale constituante sont affligeants par l'ordinaire de leur misogynie que traduit le ridicule d'appeler une dame… monsieur (saydy). Cette schizophrénie linguistique, qui va jusqu'à « transexuer » une femme en homme, est au fond révélatrice du déni de réalité quand les femmes sont aux commandes, en l'occurrence ici, vis-à-vis de Madame Meherziya LABIDI, vice-présidente de l'ANC. Car à défaut d'être appelée MONSIEUR, le comble ! Elle est madame…LE PRESIDENT (Le Raïss) ! Comment peut-on encore laisser passer ces sexismes que n'imposent en réalité ni la langue arabe, langue de déclinaison par excellence, riche en potentialités de genre, ni l'esprit d'une révolution moderne placée sous le signe de la dignité (karama). Quelle déception d'entendre des représentantes et représentants de la Nation (pas toutes et tous heureusement) manquer à ce point à la dignité de leur magistère en sacrifiant aux «lieux communs» de la misogynie ordinaire. La langue arabe n'impose pas ces élucubrations sémantiques. Elle ne fait pas que des hommes des « Cid ». Je rappelle à ceux et celles qui ne le savent pas les paroles du prophète selon lesquelles « tous les enfants d'Adam (bany adam) sont des Sayed. L'homme est « sayed » en sa famille et la femme est « sayda » en sa famille ». Au nom de quoi, une présidente devient-elle président, de raïssa, un raïss? Est-ce par ce que l'usage du féminin – comme on me l'a expliqué vainement- est réservé à l'épouse de celui qui en a la charge ? LE PRESIDENT, cela s'entend ! Ou plutôt par résistances patriarcales : les fonctions de direction ne se concevant et ne s'énonçant qu'au masculin quitte à prendre des libertés avec le code linguistique dont on se croit paradoxalement le dépositaire authentique ainsi qu'à réduire- sans état d'âme - le genre humain à l'UN masculin ? De grâce arrêtons cette mascarade ! ____________ Corneille, Le cid, 1665. « Ils t'ont nommé tous deux leur Cid en ma présence : Puisque Cid en langue est autant que seigneur, Je ne t'envierai pas ce beau titre d'honneur. Sois désormais le Cid : qu'à ce grand nom tout cède