L'étau ne semble pas encore se resserrer autour de certains responsables, ou tout simplement propriétaires de certains business qui auraient pleinement profité de l'ère Ben Ali. Alors qu'ils semblent encore échapper à la justice. Sauf, voilà que l'administration fiscale sévit pour une deuxième fois. Après un redressement fiscal vigoureux dont la Banque Internationale Arabe de Tunisie (BIAT) fut l'objet, voilà que l'administration fiscale notifie à la Banque de Tunisie un redressement d'un montant de 11.321 mille dinars en principal, outre les pénalités estimées à 6.645 mille dinars. S'agissant d'un redressement qui ne concerne que l'exercice 2007, le plus gros du montant notifié a été basé sur deux points. L'administration fiscale n'a pas accepté la constitution par la Banque de provisions pour créances douteuses et litigieuses sans tenir compte de certaines garanties jugées difficilement réalisables. Il est important de signaler à cet égard que la Banque de Tunisie a constitué ces provisions dans la limite de la créance comptabilisée et en parfait respect des normes prudentielles fixées par la Banque Centrale de Tunisie. Secundo, l'administration fiscale a rejeté la déductibilité des réinvestissements effectués en 2007 en franchise d'impôt malgré le respect total par la Banque de toutes les dispositions règlementaires en la matière. En effet, la Banque de Tunisie n'a pas distribué le montant des bénéfices réinvestis et a affecté dans un compte de réserves un montant qui dépasse largement les réinvestissements exonérés de 2007. Longtemps tremplin de Belhassen Trabelsi, la Banque de Tunisie « conteste le résultat de ce contrôle fiscal et prendra toutes les mesures nécessaires pour la défense de ses intérêts, étant totalement convaincue de la régularité des opérations citées ci-dessus ». Il faut dire que le redressement fiscal peut être l'une des manières les plus justes mises à la disposition des autorités tunisiennes afin de redresser un peu la barre. Une institution telle que la BT a, comme indiqué, servi pour un nombre d'affaires dont un nombre d'affaires malsaines. Le redressement fiscal ne peut cependant pas être considéré comme une « punition », car ce serait insensé de punir une institution alors que ceux et celles qui la dirigeaient, qui étaient sciemment placés là où il fallait, pour faciliter le chemin tortueux aux clans mafieux courent toujours. Cette annonce du redressement fiscal concernant la Banque de Tunisie, nous amène à évoquer un nombre d'autres entreprises ayant longtemps été sous la houlette des clans mafieux, ou autres ayant bénéficié de l'état des choses, ou encore celles dont les directeurs et décideurs avaient mis la main dans celles des représentants de entreprises aux familles du déchu. Ces entreprises, dont une partie figure actuellement sur une liste d'entreprises gérées par l'Etat, et dont certaines font face à de multiples problèmes, esquivent de différentes manières l'application de la loi et font des acrobaties pour échapper à la loi. Adel Ben Smail, Président de la Commission de l'expropriation, a fait signe de la pression exercée sur la commission qu'il dirige soit pour appliquer ou pour ne pas appliquer certaines décisions qui se sont révélées justes, mais qui tardent à être exécutées. Les experts comptables nommés à la tête de certaines entreprises appartenant à ce même clan, ont poussé, et à deux reprises, leur cri de désarroi résultat de leur incapacité à mener à bien leur travail. Certains d'entre eux ont rapporté comment ils ont été harcelés et même physiquement agressés « car les résidus des familles mafieuses sont toujours là, et ils sont prêts à tout faire pour ne pas voir leurs avantages menacés ou même changer d'un iota ». On dirait qu'on témoigne d'une guerre non déclarée pour la préservation de territoires et de positions, faisant ainsi fi de l'intérêt supérieur de tout le pays. Le comble survient certainement avec la disparition soudaine d'Abdelfatah Amor, président de la commission d'investigation sur les affaires de corruption et des malversations. Pour crise soudaine qui l'a terrassé, on a pointé du doigt certains « journalistes et présidents de supports médiatiques » ayant orchestré les attaques contre l'homme et sa commission. Bien entendu, ces « journalistes et leurs médias », et indépendamment de la performance de cette commission, n'agissaient pas à partir de leurs convictions personnelles, mais ils seraient poussés par des groupes et par des hommes dont les affaires les intérêts se trouvent sur un risque d'être jugés par ladite commission ainsi que par la justice. On voit donc mal ces groupes se plier aux décisions qui pourraient parvenir des instances concernées, et ce n'est hélas pas nouveau. Qui est sur la liste? La morale de ce redressement fiscal dont fut l'objet la Banque de Tunisie, et qui ne serait certainement pas le dernier, étant donné qu'il ne concerne que l'exercice 2007, c'est qu'il adresse un message quelque peu rassurant. Et on s'attend à ce que l'administration fiscale continue à faire son boulot, et que les redressements fiscaux concernent toutes les entreprises et les institutions qui ont tout au long de longues années pillés, usé et pleinement profité de l'état des lieux qui prévalait. Car il faut dire qu'en Tunisie, sur chaque dinar produit par un agent économique, environ 260 millimes sont en moyenne prélevés par l'Etat et affectés vers d'autres agents économiques, ou consacrés au financement de biens et/ou services consommés collectivement. Ainsi, certains jugent qu'à ce niveau, l'intervention de l'Etat est excessive. On prélève énormément et il y a toujours beaucoup de pauvres et de gens qui mènent une vie très difficile dans notre pays. La solution passe pour eux par une réduction raisonnable du rôle redistributif de l'Etat. Les recettes fiscales ne représentent que 20% du PIB du pays, et elles résultent en majorité d'impôts et de droits indirects qui ne se prêtent guère à une redistribution des revenus. En effet, les impôts indirects constituent, de loin, la principale source des recettes fiscales. Dans cette période de crise, il serait ingénieux que l'Etat renfloue ses caisses avec des recettes fiscales extra afin de remédier aux déficits enregistrés sur plusieurs niveaux. Loin d'être cependant un acte de « vengeance » à l'égard de beaucoup d'entrepreneurs et hommes d'affaires ayant amassé des fortunes sur le dos des employés et des Tunisiens en général. Force, malheureusement, est de constater que ces prélèvements tardent encore à voir le jour. Allez chercher les raisons, et prouver les points de pression de certains et des autres ou encore la pression de certains « lobby » qui ne cessent de surgir sur la scène dans cette nouvelle Tunisie. A qui le tour ? La réponse nécessite autant de temps et de comptes ! Haykel Tlili