La fermeture progressive de salles de cinéma dans une indifférence quasi- générale et le développement de pratiques alternatives de consommation de films (sur ordinateur en streaming ou en téléchargement ou en Dvd) sont en train de redéfinir notre rapport aux films. Le cinéma sur grand écran devient une abstraction pour de larges franges de la jeunesse tunisienne pour laquelle l'écran d'ordinateur constitue le lieu naturel de rencontre avec les images et les sons. Les puristes sont dans une posture de dénonciation de ces évolutions qu'ils considèrent comme un dévoiement du spectacle cinématographique, une désacralisation de cette communion (dans la solitude) que vivent les spectateurs dans une salle. Ces thèses en dépit de leur bienfondé dénotent d'une méconnaissance d'une lame de fond qui semble aujourd'hui irréversible. Toute réflexion sur la réception des films doit désormais prendre en considération sa double destination, la salle et l'écran d'ordinateur. Ce qui relève de l'aberration dans le contexte tunisien (mais aussi dans tous les pays où le parc de salles s'est drastiquement réduit), c'est la quasi « naturalisation » de toutes ces pratiques alternatives de consommation des films et la relégation du cinéma en salle au rang curiosité de Musée. L'enjeu réside moins dans les discours creux que dans un projet qui redonnerait aux salles leur centralité. Au-delà de l'ouverture de nouvelles salles, il y a lieu d'entreprendre tout un travail d'éducation au spectacle cinématographique, pour conquérir notamment les jeunes franges du public. La qualité des conditions de projection mais aussi l'accompagnement des films, par des débats, des rencontres avec les cinéastes sont au fondement d'une entreprise qui nécessitera souffle et patience. L'expérience réussie de l'Africart prouve que l'exploitation cinématographique peut être rentable grâce à une programmation intelligente et à une conception de la salle de cinéma, comme foyer culturel et lieu de débats. Le 16 Janvier, CINEMADART ouvrira ses portes pour une nouvelle expérience que l'on espère pérenne. C'est à l'initiative de Kais Zaied et Amal Saadallah et à la faveur de la rencontre avec le duo Raja Ben Ammar et Moncef Essayem, gestionnaire de l'espace Madart que ce projet a pu voir le jour. Kais et Amal, ont été avec Isamel, Bilel Makki et Amani Dhifewi à l'origine de « Cinéfils », Ciné-club indépendant né en 2007, dans un esprit cinéphilique avec la passion du cinéma comme moteur et un désir de partager avec la communauté de cinéphiles leur amour des films. Forts de cette expérience, ces jeunes exploitants, se lancent aujourd'hui dans la profession avec le même esprit qui les animait dans « Cinéfis » mais aussi conscients des responsabilités nouvelles qui leur incombent en tant qu'acteurs économiques. C'est « Winou Baba » le troisième long-métrage de Jilani Saadi qui fera l'ouverture au Cinemadart. Le Cinéclub hebdomadaire, tous les mardis à 19 heures constitue un rendez-vous fixe de la programmation de la salle, il sera consacré à des cycles autour de thèmes ou de réalisateurs. Jilani Saadi, réalisateur de « Winou Baba » sera le premier invité, ce mardi 17 Janvier. Les séances du Cinéclub des 24 et 31 Janvier porteront sur les deux premiers films de Jilani Saadi, « La tendresse du loup » et « Khorma ». Parions que cette salle connaîtra le succès qu'elle mérite ne serait-ce que pour cette énergie et la détermination qui animent ses fondateurs.