• Entretien avec Tahar Chikhaoui Qui dit cinéphiles en Tunisie dit cinéclubs ! A ce fait, M. Tahar Chikhaoui (professeur universitaire et animateur du cinéclub à la salle du CinémAfricArt)nous livre ci-après son avis sur la situation des cinéphiles en Tunisie. Tout d'abord, comment voyez-vous la situation du cinéphile en Tunisie? Le cinéphile tel qu'on le définissait dans le passé n'existe plus. L'amour du cinéma, jadis, était étroitement lié avec la salle et la communauté. Aujourd'hui, il y a sans doute une nouvelle forme d'amour pour les films, mais elle est d'une toute autre nature, plus secrète, plus individuelle, moins idéologique. Le film est un objet moins concret, plus fragmentaire et lié à autre chose que le récit. Peut-on toujours parler de cinéphiles tunisiens ou bien il s'agit d'une denrée rare (une espèce en voie de disparition)? Si on définit le cinéphile dans le sens indiqué plus haut, c'est- à- dire un amoureux des films vus dans la salle, avec une communauté d'amis, prêt à discuter pendant des heures après la projection, des enjeux esthétiques et idéologiques de l'œuvre, un défenseur d'une école contre une autre, si on l'entend ainsi, je crois qu'il est en voie de disparition s'il n'est pas déjà disparu. Que faire pour que les salles de cinéma tel un Phénix puissent renaître de leurs cendres et séduire de nouveau les cinéphiles qui ont trouvé leur eldorado dans les cédéthèques et les vidéothèques (jadis)? Leur donner la place qui leur revient, c'est-à-dire en faire un lieu de rencontre, décent, agréable, respectable. Ce n'est pas sorcier, il suffit de voir comment sont les salles de cinéma dans les pays où ce mot a un sens (les multiplex aux pays occidentaux). Bien sûr cela suppose une réorganisation du secteur sur la base d'une réglementation rationnelle des différents secteurs, une distribution, une exploitation, une vente et une location des films édités en vidéo, etc. Mais aussi une redistribution des salles dans la cité en tenant compte des changements urbanistiques. Je crois que la solution revient à la place qu'on voudrait donner au film. Quant aux solutions, je pense que tout le monde les connaît. Comment jugez-vous l'expérience de votre cinéclub? Très positive à mes yeux; elle prouve en tout cas que quand on respecte les films, ceux qui les font, les spectateurs qui les voient, eh bien, ça marche. Certes, dans notre club, on projette des films d'auteurs et des films réputés difficiles. Mais j'ai été surpris par le nombre de cinéphiles qui viennent hebdomadairement en nombre pour visionner les films programmés dans notre club et surtout rester à la fin de la projection pour le débat. J'aurais évidemment aimé qu'il y ait plus de monde et en particulier plus de jeunes. Mais peut-être y a-t-il un problème d'horaire, je ne sais pas. En tout cas, je ne me plains pas. Est-ce le retour des cinéclubs dans les écoles primaires et secondaires peut-il être une solution? Bien évidemment ! La réintroduction du cinéma dans les écoles primaires et secondaires serait une formidable initiative et un notable progrès. Certes, certains établissements ont commencé à renouer avec les cinéclubs, mais c'est insuffisant, à mon avis, et la dynamique est encore lente. Il faudrait plus de décisions, plus de volonté, plus d'audace et surtout, comme je le disais tout à l'heure, il faudrait y croire. Que pensez-vous de la 3D relief et de son succès chez le cinéphile tunisien? La 3D est une technologie nouvelle, et comme toutes les nouveautés, elle attire les gens. Je ne crois pas qu'elle vaille quelque chose en soi. Comme toutes les inventions techniques, elle peut faire avancer le cinéma mais sa seule présence ne signifie pas grande chose; c'est comme le son ou la couleur. Sa valeur dépend de ce qu'on en fait.