• La montée de la xénophobie, de l'islamophobie et de l'anti-sémitisme rend le dialogue impérieux • De notre correspondant particulier Zine Elabidine Hamda - Mardi 17 janvier a été un jour particulier à la Grande Mosquée de Paris. Le Recteur Dalil Boubaker y recevait officiellement, pour la première fois, en une rencontre historique, Richard Prasquier, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF). Dans le texte de leur invitation qui fixait le cap de la rencontre, intitulé « Juifs et Musulmans, pour une citoyenneté en partage », les deux institutions expriment leur volonté de « renforcer le vivre-ensemble en France et d'œuvrer à une meilleure connaissance mutuelle ». La rencontre a été l'occasion de présenter les personnalités des deux communautés, de faire connaissance et d'exprimer les convictions des uns et des autres : lutte contre la xénophobie, le racisme, l'antisémitisme et l'islamophobie, rejet de la violence et des extrémismes de tous bords. Toutefois, ce rapprochement soudain est la suite logique de rencontres et de concertations entre les deux parties. Depuis plusieurs années, Dalil Boubaker répond positivement à l'invitation du CRIF pour participer à son dîner annuel. Dernièrement, ils ont participé ensemble à une rencontre sur Radio RCJ, la radio de la communauté juive de France, dans laquelle ils ont pu préciser les contours de leur engagement dans ce dialogue. Même s'il est conscient du soutien indéfectible qu'apporte le CRIF à l'Etat d'Israël, pour Dalil Boubaker, « le poison de la démocratie, c'est l'intolérance, l'extrémisme ». Il considère que l'attitude des Institutions doit évoluer pour suivre les mutations de la société, que, dans un souci de citoyenneté paisible, les gens ont intérêt à apprendre à se connaître. Quant à Richard Prasquier, il a exprimé le souhait de « retisser des liens de convivialité et d'amitié » entre les deux communautés en vue d'une « connaissance mutuelle des deux religions et des deux traditions. » A la fin du programme radio , Dalil Boubaker a lancé un appel à fonder « une commission de la mémoire commune » entre « les frères sémitiques, les frères en Abraham ». Cette réunion, à la Mosquée de Paris, a lieu à quelques semaines du lancement de la campagne présidentielle en France dans laquelle certains candidats font surgir la thématique religieuse. Eva Joly, candidate d'Europe Ecologie- les Verts, a proposé d'instaurer des jours fériés pour les fêtes religieuses juives et musulmanes, proposition qui a fait jaser plus d'un. De son côté, Marine Le Pen, présidente du Front National a lancé l'idée de créer, si elle était élue, un ministère de l'immigration et de la laïcité. Après avoir longtemps développé un discours, considéré par certains à relents antisémites, du temps de Jean-Marie Le Pen, le FN semble orienter son discours de plus en plus vers l'islamophobie. Avec la droitisation manifeste de l'UMP (parti de la majorité), qui cherche à rogner sur l'électorat du Front National, les deux instances représentatives des juifs de France et d'une partie des Musulmans français craignent d'être la cible potentielle des débats à venir. Dalil Boubaker s'était opposé l'année dernière au débat sur la laïcité et l'Islam organisé par le parti au pouvoir. « Les citoyens musulmans de France ne doivent pas être les boucs émissaires d'une situation de crise », avait-il déclaré pour justifier son rejet du débat. Il est à rappeler que chaque année de nombreux actes qualifiés d'islamophobes (profanation de cimetières, tags sur les lieux de culte, agressions) sont enregistrés en France qui s'ajoutent aux actes antisémites (entre 300 et 400 par an) rapportés par la police. Soucieux de fonder « un Islam de France » qui respecte les règles de la République, il est entré en dialogue depuis longtemps avec toutes les composantes de l'Islam en France et même au-delà. Depuis 2008, la Mosquée de Paris a porté le projet de former les imams de France à l'Institut catholique de Paris. Dans ce programme de formation auquel participent depuis des centaines d'étudiants, la Mosquée de Paris dispense l'enseignement théologique alors que les futurs cadres cultuels musulmans reçoivent de L'Institut catholique une formation culturelle et juridique française. La grande Mosquée de Paris, proche de l'Algérie, est la plus ancienne institution musulmane de France. Elle fut inaugurée en juillet 1926 par le Bey de Tunis, Sidi Habib Bey. Le CRIF représente 72 organisations juives en France, mais aussi les intérêts des Juifs de France dans le monde.