Dans un pays de droit on laisse la justice dire souverainement son mot. A condition qu'elle reste aveugle, bien entendu. Or, cette affaire Nessma est réellement instrumentalisée et il est clair que ceux qui instrumentalisent la religion sont ceux-là mêmes qui en revendiquent la sacralité, avec des accents rédempteurs, iconoclastes. Ils sont finalement trop organisés, trop bien enclins à la mimique, trop ressemblants les uns aux autres pour imputer le tout sur la spontanéité d'une foi écorchée. Une militante d'Ennahdha, Madame Farida Laâbidi, déclare (Cf. page 3) que ce film est bien passé en 2008 et qu'il n'y a pas eu de réaction parce que la dictature réprimait toute manifestation. Nous osons simplement lui rappeler le sursaut rageur de certains médias après les caricatures du Prophète Muhammad. Et nous avons mené campagne contre ce que l'Occident appelait « liberté d'expression », y compris le dérapage papal et contre lequel la société civile et quelques médias se sont vigoureusement insurgés. Mais là, c'est autre chose. Nabil Karoui comparaît en procès et ce procès a l'air de s'internationaliser, de s'éterniser et il risque de déboucher sur l'effet contraire recherché par les extrémistes : une réplique de l'affaire Dreyfus. Car, en plus, les mastodontes barbus ne se sont pas limités à manifester leur réprobation. Encore une fois, ils ont agressé physiquement des confrères et cette fois, ce fut au tour de Zied Krichen et de Hamadi Redissi, et ce n'est pas fortuit. Car au-delà du film, au-delà de ses connotations, il existe bel et bien une machine dressée pour mâter les journalistes et la liberté d'expression. Nous ne savons pas si ce sont des Salafistes, des Wahabistes, des Chiîtes, des Nahdhaouis ou tout bonnement des Rcédistes affublés de la barbe de la diversion. Ces gens sont parfaitement organisés et ils sont bien au service de quelqu'un car nous doutons réellement qu'ils savent pour quelle idéologie ils roulent. Raouf KHALSI