La réunion d'hier entre le ministre du Sport, les présidents de clubs et les responsables des plus hautes instances sportives du pays, a été empreinte de franchise. Il ne pouvait en être autrement parce que jamais, peut-être, football n'a atteint un tel stade de pourrissement. Jamais aussi, mœurs sportives n'ont autant dégénéré en libertinage éhonté et jamais le chantage à l'argent n'a si ostensiblement pollué les esprits et corrompu les passions. Non seulement il fallait mettre les points sur les "i" (parce qu'actuellement il n'y a que les hic sur les "i"), mais encore fallait-il que les responsables des clubs transcendent leurs gueguerres tribales, sectaires et régionalistes, et cessent de se comporter comme des messies grincheux, pleurnichards ou, sinon, portés sur le culte de la personne. Comment doivent se comporter des jeunes supporters – dont beaucoup de chômeurs – quand ils sentent que même les présidents de leurs clubs les instrumentalisent? Et en cette période délicate, déterminante pour l'avenir de la jeunesse, pour son intégration dans le marché de l'emploi et le tissu socio-économique, les clubs ne peuvent plus avoir le beau rôle. Un match de football ne peut plus servir de prétexte à des débordements qu'on met sur le compte des "erreurs de l'arbitre", sinon sur "la partialité de la Ligue". Le football, phénomène social et, désormais, un support économique assez volumineux est encore cet électron libre, l'arène ou se déchaînent les passions, l'opium des jeunes (et même des vieux). Toutes ces approches sociologiques, valables il y a quelque temps, ne se justifient plus. Le tabou qui affublait le football d'un rôle de déversoir de la contestation est désormais creux et même ringard. Car dire que le football cristallise les passions sociales est une insulte pour ce qui se fait en faveur des jeunes, des associations et tout bonnement de la liberté d'expression dans un cadre médiatique, associatif et pluraliste. De là, les actes de vandalisme, la violence et tout le reste ne sauraient être tolérés tout bonnement parce qu'ils sont illégaux, qu'ils mettent l'ordre public en péril et qu'ils défigurent le visage du sport. N'en déplaise à ces messieurs ayant tenu la réunion d'hier, la morale primaire, les slogans et les paroles plates de condescendance ne prennent plus. Aujourd'hui les comités des supporters ont révélé leurs limites et leur impuissance à canaliser les passions de leurs supporters. Car on ne peut pas institutionnaliser les supporters. Ils sont toujours incontrôlables. Sauf qu'on peut remonter un peu plus haut: que M. le président de club n'attise pas les passions à la télé; et qu'il cesse de se prendre pour l'homme de la providence. A terme, néanmoins, il faudra bien "déraciner" ce curieux paradoxe: les joueurs sont professionnels, les clubs sont amateurs. Une refonte juridique s'impose. Car le professionnalisme s'est installé chez nous entre pertes et profits. A qui les pertes, à qui les profits? Ce n'est pas sorcier: aux joueurs les profits, aux supporters les pertes et la gloire, c'est pour ces dirigeants qui se plaignent mais qui s'accrochent.