Dimanche 12 février, et malgré un froid glacial, le public était au rendez-vous avec la dernière présentation programmée à la 6è édition du Festival du Rire. Le spectacle de clôture était le (two men show intitulé Farket Saboun), « Lavage à sec », interprété par le duo Aziza Boulabyar et Moez Toumi. Une tragi-comédie qui met en scène deux vieilles dames qui résident dans un asile pour personnes âgées. Abandonnées par les leurs, elles se résignent à rester jusqu'à la fin de leurs jours. Elles s'occupent bénévolement de la laverie de la maison, histoire de trouver un moyen pour tuer le temps et rendre la vie moins monotone. Zina et Aziza, deux vieilles femmes, unies par le même sort et par les mêmes soucis quotidiens. La première est une veuve qui a été dépouillée par ses propres enfants et qui a enfin trouvé refuge dans cette maison de retraite. Et depuis, ses enfants, ingrats, ne lui ont jamais rendu visite! La seconde, elle, est célibataire. Elle a passé toute sa vie à s'occuper des enfants de son frère. Elle est là depuis que son frère et sa famille ont quitté le pays. Les deux vieilles dames se sont unies pour le meilleur et pour le pire, se racontant leurs souvenirs, se querellant, se frappant à coups de balai ou avec des torchons mouillés, mais elles se réconcilient aussitôt, pour reprendre encore et toujours leurs racontars et leurs commérages qui sombrent souvent dans la médisance d'autrui. Sur un ton sarcastique, elles parlent de tout et de rien, à bâtons rompus, elles abordent différents sujets : des souvenirs personnels, des expériences vécues dans le passé, la famille, la religion, la politique… Elles expriment leurs regrets, leurs repentirs et leurs illusions perdues… La conversation entre ces deux camarades d'asile fait apparaître pourtant des prises de positions différentes et une certaine vision de la vie, de la famille, de la société. Mais derrière ces caractères comiques des deux personnages, se cache une grande amertume, à savoir l'abandon de famille et d'enfants, le rejet social, mais aussi une certaine appréhension de l'avenir, et toute la souffrance qui en découle. La pièce dont le texte est écrit en dialecte tunisois, rappelle l'humour typiquement tunisien caractérisé par les proverbes et les maximes populaires très familiers dans la conversation courante dont les deux personnages ont réussi parfaitement l'usage. D'ailleurs l'expression « Farket Saboun » a une certaine connotation populaire bien de chez nous, à savoir la médisance et les qu'en-dira-t-on des gens. En effet, leurs discours quotidiens portés essentiellement sur les autres (parents, hommes, femmes, politiques, artistes, salafistes…) vont au même rythme du travail qu'elles accomplissent : le lavage du linge sale ! Même la situation politique, économique et sociale qui prévaut actuellement dans le pays n'a pas été épargnée. C'est dire que les deux protagonistes ont leur avis sur l'actualité et elles ont brossé, chacune à sa façon, un tableau assez pessimiste quant à la situation actuelle : dénigrement de certains partis, critiques adressées aux porteuses du niqab, dénonciation de la corruption… A ce propos, Zina s'adressait à Aziza qui était occupée à laver une culotte de M. Tijani, directeur de la maison, en lui disant : « Frotte bien au niveau des poches, c'est là où il y a beaucoup de saletés ! » les deux femmes sont vieilles certes, mais elles ont encore assez de force et d'esprit pour voir d'un œil critique ce qui les entoure, c'est pourquoi elles ne cessent de causer, de critiquer et de danser, oui le public a eu droit à une scène de danse folklorique où les deux vieilles dames se déhanchent comme si elles étaient encore à la force de l'âge! Ce soir-là, le public s'est bien régalé !