« On ne va pas distribuer blâmes et satisfécits » avance Sana Ben Achour, la coordinatrice du media monitoring ayant brossé la période de transition démocratique. « Le rôle de la société civile étant de montrer ce qu'il en est de la situation et non pas de la juger. » continue-t-elle en guise d'introduction à la conférence de presse donnée hier à la Maison de la culture Ibn Rachiq. La rencontre avait pour but de plancher sur les résultats de l'étude menée sur l'ensemble des médias tunisiens pendant la période allant du 1 er août au 30 novembre mais surtout d'en tirer des recommandations qui serviront de document de référence, la Tunisie étant à la veille de l'élaboration de sa nouvelle constitution. Ce qui mérite d'être mentionné en premier est que les médias tels qu'ils sont aujourd'hui sont considérés misogynes par ce média monitoring, en ce sens où la femme actrice politique n'a pas eu son droit de cité lors de la période objet de l'étude. Cela est valable pour la presse écrite, la radio et la télévision où les acteurs politiques ont la part du lion puisqu'ils occupent quasiment 90% des plages horaires dans nos médias alors qu'on n'en réserve à la gente féminine que les 10 % restantes. Un chiffre considéré alarmant par Sana Ben Achour qui invoque le fait que les femmes ne sont pas aux postes de décision dans un domaine de plus en plus féminisé. Les autres résultats ne sont pas plus satisfaisants, il faut dire puisque l'étude considère que les journalistes de la presse écrite manquent de professionnalisme, la déontologie étant en défaut. Le journalisme d'investigation fait horriblement défaut dans les colonnes des journaux qui éprouvent des difficultés à opérer une conversion après des décennies d'allégeance au parti unique et au pouvoir autocratique. Toujours selon l'étude, le domaine de la presse écrite est toujours sous l'emprise de la Troika. Soukeina Ben Abdessamad la représentante du Syndicat national des journalistes a considéré dans la foulée que les journalistes sont victimes de harcèlement de la part d'acteurs politiques aux yeux desquels la liberté de la presse représente un danger. Elle a montré, par ailleurs, que la Révolution a fait valoir trois sortes de journalistes, à savoir « les nouveaux opportunistes » qui profitent de la gabegie politique qui règne pour se tailler une place de choix, la deuxième catégorie concerne les « anciens Rcédistes convertis en révolutionnaires » et enfin la base de journalistes qui croient en la nécessité d'acquérir la liberté de la presse qu'ils défendent corps et âme.
Recommandations du media-monitoring
« Cette étude est une sorte de miroir qui réfléchit l'image de nos médias actuellement dont le but est de repenser le domaine des médias et non pas seulement d'en relever les points négatifs. Encore est-il on ne peut pas dire que la situation est aussi désespérante qu'on ne le croit car ces données sont le point de départ pour pouvoir rectifier le tir. » Commente Sihem Ben Sedrine qui a représenté les recommandations à prendre en ligne de compte suite à la publication des résultats de l'étude. La représentante du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) a insisté sur la nécessité de mettre en place une autorité de régulation telle que le Haut conseil de l'audiovisuel et d'ouvrir un débat national qui permettrai de réfléchir la situation de la presse nationale. Toujours selon la conférencière, il faudrait œuvrer à abolir toutes les entraves juridiques face au travail des journalistes. Les recommandations ont porté également sur la branche des médias publics qui selon l'étude, devraient être réorganisés en ce sens qu'ils devraient être transformés en un véritable service public. Chose qui suppose l'autonomie des différents médias dans leur organisation comme dans leur fonctionnement. A rappeler que l'observatoire en question a étudié17 médias dont 7 titres de la presse quotidienne, quatre radios et quatre chaînes de télévision et que ce rapport final a été précédé de quatre autres ayant analysé le contenu de quatre périodes d'observation depuis l'enregistrement des électeurs jusqu'à la communication des résultats en passant par le dépôt des candidatures et la campagne électorale. Il est à signaler également que ce travail a été réalisé par un collectif d'associations et d'ONG dont la LTDH (Ligue tunisienne des droits de l'Homme), le Syndicat national des journalistes tunisiens, (SNJT), le Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT).