La répression excessive de la marche du 9 avril 2012 aux abords de l'avenue Bourguiba n'a suscité que davantage de réprobation et d'indignation. Cette information noyau étoffée des commentaires les plus variés et les plus antonymiques est passée par tous les moyens d'information nationaux et internationaux. Du coup, chacun de nous a reçu les messages différents et en a forgé une position personnelle en fonction de son pré requis culturel et de ses convictions politiques. Que les médias continuent de traiter cette affaire et ses impacts collatéraux demeure légitime. Que l'on exige l'abrogation de cet arrêté du 28 mars dernier qui interdit les manifestations sur l'artère principale de Tunis est aussi un droit inaliénable. En effet, dans une démocratie, chacun essaie de convaincre, en épuisant tous les moyens légaux disponibles. D'ailleurs, tous les moyens d'information se sont évertués pour transmettre le message des défenseurs des manifestants et des représentants du ministère de l'intérieur. Ainsi, les versions différentes ont été étalées sans exclusion. De leur côté, les députés de l'assemblée constituante sont capables, depuis l'hémicycle, de débattre et de demander l'annulation des dispositions qui interdisent les manifestations dans l'avenue Bourguiba et d'exiger une enquête diligentée par des personnes neutres afin de déterminer les sources des abus ayant accompagné la dissuasion des manifestants. Effectivement, les différents groupes sont tenus d'épuiser tous les arguments et tous les supports d'information pour tester la nature de la réponse du gouvernement et les degrés de cession à la pression de la société civile. C'est ainsi que le peuple apprend à mieux canaliser son instinct de violence et ses revendications… Mais, quand des élus du peuple descendent dans la rue et bravent l'interdiction et que l'UGTT brandit le slogan de la manifestation pour le 1er mai, on a le sentiment que ces deux camps ne prennent pas le bon chemin pour exercer la pression sur le gouvernement. En effet, leurs gestes et leurs déclarations renferment une forme de violence vindicative. Cette agressivité symbolique en partie est dirigée non seulement contre la coalition gouvernementale mais aussi et surtout contre la jeune démocratie déjà fragilisée faute de synchronisation entre ses différentes institutions et à cause de la prédominance de la mentalité de l'extorsion des différents groupes politiques ou socio professionnels. A vrai dire ces comportements privilégient l'affrontement et font appel aux forces intégristes extrémistes qui sont à l'affût et qui constituent une soupape de sûreté prête à intervenir violemment pendant les moments de crise. Du coup, le risque de l'escalade et du règne d'un climat de tension deviennent imminents et préparent le terrain au fascisme et au verrouillage des institutions qui titubent encore. En fait, une telle dérive peut devenir la bienvenue dans les milieux sociaux et économiques qui ne supportent plus les dysfonctionnements des rouages et notamment l'absence de l'autorité de l'Etat. Naturellement, au cas où le climat s'envenimerait, les plus grands perdants seraient ceux et celles qui se sont révoltés spontanément et qui ont obligé Ben Ali à déguerpir. Au dessus de la pyramide, les forces qui surenchérissent dans l'intérêt de leur propre agenda, loin de l'intérêt national, continuent de pédaler dans la semoule…