Parce que chaque douleur est une mémoire, c'est dans un acte symbolique que les députés de l'Opposition ont manifesté leur indignation, hier, dans l'avenue Habib Bourguiba, l'avenue prohibée par le ministère de l'Intérieur depuis le 28 mars dernier. Ils étaient venus par milliers supporter la marche organisée par une dizaine des députés de l'Opposition pour casser le blocus imposé sur l'artère principale du cœur battant de la capitale. Défiant cette décision incongrue et dénonçant les actes de violence dont ont fait l'objet les citoyens sortis le 9 avril 2012, commémorer la fête nationale des martyrs. L'opposition contre Ali Laârayedh La marche a été annoncée le matin même du mardi après une décision prise entre plusieurs députés de l'Opposition au sein de l'Assemblée constituante. Le rendez-vous a été donné à 15h30 devant la statue de notre feu sociologue et historien Ibn Khaldoun. Cette statue témoin de tous les chamboulements qui ont ébranlé la capitale après l'Indépendance. Après un bref sit-in devant la statue d'Ibn Khaldoun, le temps que le rassemblement ait lieu, les députés ont arpenté la grande artère de l'Avenue vers le ministère de l'Intérieur dans un geste de protestation et de mécontentement contre la violence injustifiée des forces de l'ordre faite à l'encontre des citoyens sortis lundi 9 avril 2012 célébrer pacifiquement la journée des martyrs, soit 74 ans après. Après avoir arraché les barrières imposées par les forces de l'ordre, interdisant les rassemblements, les élus de l'Opposition, joints par plusieurs centaines de citoyens, ont avancé jusqu'aux barbelés qui encerclent le ministère de l'Intérieur. Sur place, quatre des députés, dont Maya Jribi et Ibrahim Kassas ont pénétré les locaux dudit ministère afin de s'entretenir avec le ministre Ali Laârayedh quant aux évènements scandaleux et inhumains de la veille. L'après-midi du mardi 10 avril, la présence policière était massive et l'ambiance était tendue. Plus le nombre des manifestants bravant la «règle» imposée par le ministère de l'Intérieur, augmentait, plus la tension montait chez les forces de l'ordre. Certains hauts-gradés munis de haut-parleurs, avertissaient les manifestants les intimant de déguerpir et de quitter le sacré lieu prohibé. Ce qui est certain que cette fête nationale a été dignement célébrée et marquera de nouveau la mémoire collective de tous les Tunisiens, hormis les bourreaux qui s'en sont donnés à cœur joie… Comment profaner la mémoire des martyrs ? Mode d'emploi Le lundi 9 avril, une journée qui devait être fièrement fêtée par tout citoyen tunisien, a été, désormais, baptisée «le lundi noir». La répression policière agressive et barbare contre les citoyens descendus entre amis ou en familles pour commémorer la mémoire des martyrs, a maculé cet hommage historique. Témoins oculaires, vidéos, photos par milliers, témoignages de victimes, toutes les preuves pour inculper les responsables. Réponse du ministère de l'Intérieur : la réaction des policiers était provoquée par «certains individus qui lançaient des Molotov et des pierres…». N'a-t-on pas déjà entendu ce genre de répliques de la part du même ministère ? La violence ne s'est pas arrêtée à l'avenue Habib Bourguiba. Les exécuteurs des ordres, pour soi-disant appliquer la loi, et quelle loi !, sont allés chercher leurs bouc-émissaires, leurs compatriotes… à l'Avenue Mohamed V. Se croyant à l'abri et surtout certains de n'avoir pas enfreint à la loi ridicule de l'interdiction de manifester à l'avenue Habib Bourguiba, les manifestants célébraient avec sourires et bonne humeur le 9 avril. Coup de théâtre, on s'en prend violemment à eux. Et le cauchemar commença. Les images étaient terribles et le heurt était d'une barbarie indicible ! Maintenant, que ces citoyens aient été tabassés, agressés et violemment rossés, injustement, pour avoir eu l'audace de célébrer la fête des martyrs, bien loin du lieu culte interdit ; qui saura leur rendre justice ? Melek LAKDAR
Nous avons appris de source sûre que le Parti Républicain et plusieurs composantes de la Société civile, sont en train de se concerter pour une manifestation ce samedi afin de libérer l'avenue Habib Bourguiba.
Après un entretien avec Ali Laarayedh Maya Jribi : «Au ministère de l'Intérieur, on nous a fait écouter un seul son de cloche.» «Nous étions une cinquantaine d'élus à s'être entretenus avec le ministre de l'Intérieur, M. Ali Laârayedh. En réalité, nous l'avons contacté, hier et avons demandé à le voir. Sauf qu'il a refusé de s'entretenir avec nous, prétextant le manque d'informations pour pouvoir discuter de ce qui s'est passé. Sauf que, paradoxalement, il a tout de même donné des déclarations en direct à travers les médias. Il nous a donné rendez-vous, mardi à 16h. a partir de ce moment-là, nous avons décidé, hier matin, d'effectuer une marche de protestation, à 15h30. Nous avons été joints par une centaine d'associations et de citoyens venus en nombre soutenir notre démarche. Une demi heure avant notre rendez-vous avec le ministre de l'Intérieur, nous portions des bandeaux rouges et blancs, marque distinctive et on a commencé notre procession, accompagnés par la composante de la Société civile et un grand nombre de citoyens. Une fois à l'intérieur, le ministre de l'Intérieur nous a montré des vidéos filmées par le corps policier et des photos compromettantes, policier blessé, manifestants lançant des pierres. Le ministre excuse l'emportement de son staff par des preuves qui ne tenaient pas debout. On lui a fait comprendre qu'interdire l'avenue aux manifestants condamnent notre Révolution à l'échec ! On a, notamment signalé cette virulente et outrancière violence dont ont fait l'objet les manifestants, alors qu'ils célébraient une date historique. On aurait souhaité que le ministre prenne une décision symbolique et radicale que de libérer l'avenue Habib Bourguiba, en vain ! Ces agissements ne rappellent que trop le traitement répressif de l'appareil policier de l'ancien régime ! Il faut que cela cesse à tout prix. On ne peut avancer à reculons.»