Depuis la réunion de la commission consultative, samedi dernier, au sein du ministère de la Justice, en vue de la création d'une Instance indépendante de la Magistrature, on n'a pas avancé d'un iota, selon l'Association des Magistrats Tunisiens. Celle-ci a été d'ailleurs empêchée d'y assister, puisque le jour même, les membres de ladite association organisaient un point de presse, au palais de Justice, afin de mettre au clair les causes des tergiversations du ministère à présenter à l'Assemblée Constituante le projet de loi portant création de l'Instance en question. Le syndicat des Magistrats a pour sa part, assisté à la réunion organisée au ministère de la Justice, et à laquelle il a été convié au même titre que l'AMT, affichant par cette attitude son désaccord avec celle-ci, du moins sur ce point. D'ailleurs l'AMT a décidé, à titre de protestation contre la position du ministre, de porter pendant une semaine les brassards rouges, et cette décision a été suivie par la majorité des magistrats. Au cours du point de presse, les membres de l'AMT, ont fait part de leur indignation contre cette situation ambiguë au sein du domaine judicaire notamment en ce qui concerne l'indépendance de la magistrature. La Justice transitionnelle ne peut être réalisée sans la neutralité du secteur judicaire par rapport à l'exécutif. Au cours du régime révolu, le magistrat était en effet lié dans ses décisions par l'exécutif, et ne pouvait juger en son âme et conscience sans subir, les ascendants de ses supérieurs hiérarchiques, dont le ministre. Celui-ci intervenait auprès des magistrats, pour leur imposer des directives selon les vœux du président déchu, lequel dirigeait le conseil supérieur de la magistrature. Après la Révolution, cette situation qui affecte terriblement les droits de l'Homme, et nuit aux intérêts du justiciable, n'a plus de raison d'être. L'idéal, afin de consolider l'indépendance de la Justice, est que la magistrature dépende d'une instance neutre, et qui n'aurait surtout aucun lien avec l'exécutif. C'est ainsi qu'est née l'idée de la création d'une Instance Indépendante de la Magistrature. L'AMT reproche le retard mis par le ministre à faire promulguer une loi portant création de ladite instance. A quoi serait dû ce retard ? La réponse à cette question est partagée entre deux positions au sein du secteur de la magistrature : celle de l'AMT et celle du Syndicat Pour l'association des Magistrats Tunisiens, il y a atermoiement et tergiversation, de la part du ministre qui semble ne pas vouloir lâcher la bride à la magistrature, du moins à court terme. D'ailleurs, les magistrats qui ont fait part au cours du point de presse de samedi dernier, de leur inquiétude devant une situation qui perdure au sein de la magistrature comme par le passé. Le ministre continue à procéder à des nominations de magistrats de manière unilatérale. Par ailleurs et concernant la réforme du secteur judiciaire, il n'y a pas le moindre signe révélateur d'une quelconque action concrète à ce sujet. Quant à la position du Syndicat des Magistrats, elle est moins claire, sans pouvoir affirmer qu'elle s'oppose à celle de l'AMT. D'ailleurs au cours de la commission organisée à ce sujet par le ministre de la Justice, les membres du Syndicat ont eux aussi fait part de leur préoccupation quant à la situation au sein du domaine de la magistrature. Ils semblent avoir été convaincus par le ministre de la Justice ayant déclaré qu'une concertation préalable est nécessaire avant la promulgation de ladite loi. Ces propos sont interprétés différemment par l'Association des Magistrats Tunisiens, qui estiment qu'il s'agit d'une perte de temps. Car tant que cette instance n'est pas née, le garde des sceaux et tout l'exécutif continuera à avoir de l'ascendant sur le domaine judiciaire et notamment sur les décisions des tribunaux. Raison pour laquelle, une manifestation de protestation, au siège de l'Assemblée Nationale Constituante est prévue par l'AMT, le vendredi 27 avril 2012, afin de dénoncer encore une situation au sein du domaine de la magistrature qui va de mal en pis. Le ministère serait-il en train de reculer pour mieux sauter ?