Le paysage politique national connaît depuis la chute de Ben Ali des remodelages successifs et surprenants comme seules les révolutions sont capables d'en produire. Le dernier en date concerne une fort probable alliance entre le courant réformiste du Parti Démocrate progressiste (PDP) qui vient de rompre tout lien avec le parti de Néjib Chebbi, les membres dissidents du Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés (FDTL/ ou Ettakatol) menés par Khémaïes Ks'ila et les mécontents du Congrès pour la République (CPR), réunis autour du secrétaire général du parti, Abderraouf Ayadi. «Nous avons entamé des discussions avec les mécontents d'Ettakatol et du CPR en vue de nouer une nouvelle alliance, en prévision des prochaines élections», a déclaré hier Mohamed Baroudi, élu à l'Assemblée nationale constituante et membre du courant réformiste du PDP, à la radio privée Shems FM. Cette alliance en cours de constitution repose sur un projet de société démocratique et progressiste, sans pour autant considérer Ennahdha un ennemi idéologique. « Nous cherchons à en finir avec la bipolarisation entre islamistes endurcis et modernistes impénitents qui ne fait qu'accentuer les divisions au niveau de la société tunisienne», a ajouté M. Baroudi, indiquant le retrait du courant réformiste du Parti Républicain, issu de la fusion entre le PDP et d'autres formations se réclamant de la mouvance progressive, est , entre autres, motivé le refus de cette dichotomie démocrates/ rétrogrades. Du côté du CPR, une source proche des instances dirigeantes du parti confirme le lancement de pourparlers avec les dissidents du PDP sur la base d'un programme visant la réalisation effective des objectifs de la révolution, sans autre précision. Fissures Cette nouvelle alliance qui devrait être annoncée officiellement dans les quelques semaines à venir apparaît comme l'une des conséquences des dissensions qui secouent les formations politiques au pouvoir comme celles de l'opposition depuis la proclamation des résultats des élections de l'Assemblée Constituante. Bien qu'ils partagent le pouvoir avec Ennahdha à la faveur d'une alliance stratégique nouée après les élections, le CPR et Ettakatol n'ont pas été épargnés par les guerres fratricides. Ettakatol a été le premier à souffrir d'une véritable hémorragie, dans le sillage des démissions collectives de ses militants. Dénonçant pour la plupart le mutisme de la direction concernant les agissements des salafistes et les menaces qui pèsent sur les libertés, ces démissionnaires ont motivé leur défection par «la déviation du parti des ses principes fondateurs, à savoir la défense des acquis modernistes de la Tunisie».Menés par le secrétaire général du parti Abderraouf Ayadi, qui avait été démis le 19 avril par la majorité des membres du Bureau politique, les mécontents du CPR affirment être les vrais gardiens des valeurs du parti fondé par Moncef Marzouki en 2001. Ils accusent leurs rivaux au CPR d'avoir renoncé aux principes du parti comme la défense des libertés ou d'un régime politique semi-présidentiel en contrepartie des miettes qui leur ont été accordées lors des négociations sur la répartition des portefeuilles ministériels. Les membres du courant réformiste du PDP ont, quant à eux, claqué la porte, le 28 avril, en signe de protestation contre le mauvais positionnement politique du parti et les tripatouillages électoraux ayant marqué, selon eux, les travaux du Parti Républicain.