Au dernier jour de la campagne pour la présidentielle française, le socialiste François Hollande tient solidement sa position de favori face au sortant Nicolas Sarkozy, qui dit toutefois conserver un espoir d'éviter une défaite annoncée et a appelé à un sursaut. "Vous verrez une grande surprise" dimanche, a assuré hier sur la radio Europe 1 le président sortant, conforté par l'effritement de l'écart qui le sépare de François Hollande dans les derniers sondages. Lors d'un dernier déplacement aux Sables d'Olonnes (Ouest), il a de nouveau tenu un discours musclé contre la gauche et appelé à un sursaut de la "majorité silencieuse", des abstentionnistes et des électeurs de l'extrême droite. "Je voudrais vous persuader d'une chose, chaque voix va compter: dimanche vous n'imaginez pas à quel point les choses vont se jouer sur le fil du rasoir", a insisté le président conservateur, après avoir longuement dénoncé "les injures, la calomnie" et "les torrents d'outrance" déversés à son encontre pendant la campagne. François Hollande continue d'être donné gagnant demain du second tour de l'élection, avec 52,5 à 53,5% des intentions de vote selon les instituts de sondage, mais son avance sur M. Sarkozy se réduit dans tous les sondages publiés jeudi soir et hier. Le candidat de la droite parie sur une très forte mobilisation des électeurs. Il a de nouveau dramatisé l'enjeu du scrutin, soulignant hier qu'en cas de victoire socialiste, la France risquait de connaître la situation économique de l'Espagne. "Regardez l'Espagne, voulez vous la même situation? Elle n'a pas fait les réformes qu'il fallait faire", a-t-il lancé. La campagne du président-candidat a été dominée par les thèmes de l'immigration, de la sécurité, des frontières, dans l'espoir de gagner les voix qui s'étaient portées sur la candidate du Front national Marine Le Pen (17,9%). La campagne officielle pour le second tour s'est achèvé hier. Après cette heure, les déclarations politiques et les sondages seront interdits jusqu'à damain soir 18H00 GMT, fin du vote. François Hollande a appelé les électeurs à ne pas lui donner une victoire "étriquée". "Si les Français doivent faire un choix, qu'ils le fassent clairement, massivement, qu'ils donnent à celui qui sera investi toutes les capacités et les moyens d'agir", a-t-il dit. Il a souligné que s'il était élu il n'aurait "pas de délai de grâce". "Les problèmes du pays ne vont pas disparaître avec le départ éventuel de Nicolas Sarkozy, il ne va pas emmener avec lui la dette publique, le chômage, les urgences sociales, je vois bien ce qui m'est demandé", a-t-il ajouté. François Hollande, 57 ans, outsider total il y a un an et qui a bénéficié de la mise hors course de l'ex-patron du FMI Dominique Strauss-Kahn, a essayé au fur et à mesure des sondages favorables de se glisser dans les habits du président de la cinquième puissance mondiale. Hier matin, il a confié qu'il ressentait "une appréhension" à l'idée de pouvoir être élu. "Une appréhension au sens où je sais ce qui m'attend", a-t-il dit. Les nombreux rendez-vous internationaux en début de mandat seront déterminants pour cet ancien chef du Parti socialiste, dépourvu de toute expérience ministérielle. Le prochain président français devra enchaîner les sommets internationaux: G8, Otan, Union européenne. L'équipe de François Hollande a fait savoir que s'il était élu, le socialiste participerait à un sommet européen informel organisé "probablement" fin mai ou début juin à Bruxelles.
Bayrou votera Hollande: la droite crie à la trahison, la gauche confortée Dernière surprise d'une campagne présidentielle mouvementée et véritable séisme politique, le choix de François Bayrou de voter François Hollande au second tour laisse une droite stupéfaite, qui crie à la trahison, et une gauche plus favorite que jamais à J-2. Nicolas Sarkozy, qui n'a obtenu aucun ralliement de candidats du premier tour, a balayé d'un revers de main, sur Europe 1, le manque de "cohérence" de M. Bayrou. "Je ne pense pas que ça ait une plus grande importance que cela", a-t-il minimisé. "L'essentiel", a-t-il assuré, c'est que "la quasi-totalité des élus qui soutiennent François Bayrou m'ont rejoint, je les en remercie, pour le reste chacun est libre d'exprimer le vote de son choix". A quelques heures de la fin de la campagne officielle, il lui reste peu de temps pour éteindre l'incendie, même si, d'après les sondeurs, M. Bayrou ne va pas déplacer avec lui vers le candidat PS ses 3,3 millions d'électeurs du premier tour (9,13% des voix). "L'effet peut exister" mais, "depuis longtemps, les électeurs sont autonomisés", a évalué Brice Teinturier (TNS Sofres), tandis que pour Etienne Mercier (Ipsos), c'est un électorat "très disparate". Les lieutenants de M. Sarkozy, tels les députés UMP Sébastien Huyghe, Valérie Rosso-Debord, Françoise Hostalier ou Jacques Myard, ont ciblé "l'isolement" d'un homme qui agit par "haine" et "inimitié personnelle" pour mieux contrecarrer le réquisitoire implacable contre le chef de l'Etat qu'a prononcé jeudi le président du MoDem pour justifier sa position. "Triste fin pour un homme seul", a asséné, cinglant, le ministre de la Défense Gérard Longuet, sur LCI. Henri Guaino, conseiller spécial du président, a jugé "blessant et insultant" le discours du centriste. Jeudi soir à Bordeaux, en plein meeting UMP, l'annonce de M. Bayrou a résonné comme un mini coup de tonnerre au moment du discours de François Fillon, certains visages de militants se figeant brusquement. Le Premier ministre, proche de la droite sociale sur l'échiquier politique, a qualifié d'"incompréhensible" l'acte du leader centriste, disant l'avoir encore eu au téléphone le week-end dernier pour évoquer, notamment, le programme économique de M. Hollande. Ce dernier a salué hier sur RTL un choix qui "honore celui qui le fait" et qui est "cohérent". Mais ce n'est pas "un choix de projet" et il ne prépare pas d'alliance, a souligné le candidat socialiste. M. Hollande en a profité pour attaquer son rival. C'est un choix "entre un sortant qui malmène les valeurs de la République et celui que je suis, socialiste et de gauche, qui préserve l'essentiel de ce qui est notre République", a-t-il dit. Ce ralliement au lendemain du duel télévisé avec M. Sarkozy, qui avait déjà conforté son statut de favori, est du pain béni pour le député de Corrèze, d'autant plus que rien n'a été négocié. Son directeur de campagne, Pierre Moscovici, s'est félicité d'un "vote éthique", d'un "vote de valeur", "pas facile pour un centriste", tout en niant que cela signifiait "une recomposition" de la vie politique. A gauche du PS, on reste sur ses gardes face à un éventuel élargissement des alliances autour des socialistes. Pour Jean-Luc Mélenchon (Front de Gauche), M. Bayrou est "dans une impasse politique absolue", même s'il lui reconnaît "un fond républicain" qui fait "qu'il est scandalisé, comme beaucoup de gens à droite par le tour qu'a pris la campagne depuis 15 jours". La député européenne Corinne Lepage, qui a déjà rallié M. Hollande, s'est "réjouie" du choix du Béarnais, mais a regretté qu'il "reste au milieu du gué" en n'appelant pas ses électeurs à faire comme lui. Jeudi soir, M. Bayrou les a laissés libres de choisir "en conscience" demain.