Olivier Derveloy connaît bien la Tunisie. Il a résidé deux ans dans la médina de Tunis, le temps de préparer une exposition qui, présentée à l'Espace Sadika en 2005, a marqué les esprits par son originalité et le succès qui l'a accompagnée. En effet, à cette époque, Olivier Derveloy, secondé par sa compagne Myriam, peignait sur des cubes dont l'assemblage, par groupes de six ou de huit parfois rangés dans des armoires éclairées de l'intérieur, donnait à voir des scènes de la vie quotidienne en Tunisie: les Tunisiens à la plage, les Tunisiens au zoo du Belvédère, ou des portraits d'Oum Kalsoum, de Rimbaud ou de La Joconde. Chacun de ces assemblages était d'ailleurs souvent redoublé par une toile grand format. Chaque cube étant peint sur les six faces, et de l'une à l'autre de ces faces les traits du dessin se correspondant très exactement, par un tour de force qui en faisait toute l'ingéniosité, il suffisait de les tourner sur place pour assister à une modification progressive du dessin, lequel se déformait jusqu'à aboutir à des silhouettes et à des mouvements qui, en échappant au réalisme, et comme dans les miroirs des fêtes foraines, s'ouvraient sur le rêve, l'envol et l'hallucination. Pour des raisons familiales, Olivier Derveloy est ensuite reparti en France, mais sans jamais rompre le lien avec ses amis tunisiens. Depuis l'autre rive de la Méditerranée, il a accompagné les événements en peignant la révolution tunisienne à distance par de grandes fresques vivantes et colorées, qu'il a exposées dans différentes galeries et manifestations artistiques à Paris. Revenu en Tunisie depuis la fin 2011, Olivier Derveloy a profité de l'élan du mouvement virtuel précédemment engendré par la rotation des cubes pour grossir son trait, aciduler ses couleurs, amplifier l'envol chagallien des formes, accentuer l'irréalisme des situations. En résidence d'artiste dans l'atelier de Sadika, il a saisi au vol l'activité des souffleurs de verre au travail près du four. Il en a restitué à sa manière l'étourdissant ballet des cannes et des paraisons, où les masses de verre en fusion tournoient sur elles-mêmes, les souffleurs jetés jambes en l'air, planant comme en extase. Dans la rapidité des allers et retours entre la bouche du four et la table de travail, on en retrouvera les gestes, emportés qu'ils sont malgré eux dans un étrange ballet, partagés entre la sarabande effrénée du travail en cours et l'euphorie que ressent encore en cet instant la Tunisie tout entière, ébahie d'avoir par sa seule audace et son courage recouvré sa liberté. Alain Nadaud (Ecrivain français vivant en Tunisie)