Cela se passait au début de cette année universitaire : cette jeune étudiante avait décroché son bac avec brio et elle est venue habiter un foyer d'étudiantes, sages, avec des jeunes filles comme il faut. Elle croyait que sa vie allait changer, qu'elle allait rencontrer Amour, luxe et volupté loin de son petit village pauvre. Elle voulait se faire une place au soleil… Mais comme tout cela parait lointain aujourd'hui et comme ses espoirs ont été déçus. Car la ville qui brille de mille feux qu'elle imaginait dans ses rêves de jeunesse n'existait pas. Tunis n'est qu'un immense dortoir qui s'éteint au crépuscule, comme dans son village. Ici les hommes sont peut être plus riches et plus élégants, mais ce sont des prédateurs assoiffés de sexe facile, de plaisirs instantanés. Au foyer, les filles, se binômes comme elles se font appeler, ne sont pas agréables : médisance, vols, arnaques, tout y passe. Elles ont toutes un petit copain, qui vient les chercher le week-end, mais toutes jurent qu'elles sont plus vierges que Marie. Elle aussi est libre de sortir comme bon lui semble. Mais pour aller où, et avec qui ? Ce ne sont pas les courtisans qui manquent, ni les invitations. Mais leurs mots susurrés sur fond de musique douce sonnent faux et leurs compliments ont quelque chose d'infâme. Or elle avait besoin de sincérité et de confiance, pas de sorties hasardeuses qui se terminent dans un quelconque lit sale d'amours fugaces. Elle avait besoin d'assouvir un immense besoin de tendresse. Elle avait soif de sincérité, de sublime, d'absolu et tout cela n'existe pas dans cette grande ville. Alors depuis, elle a le sentiment d'être née un siècle trop tard. Elle aurait aimé être la compagne de Lamartine qui l'aurait aimée et qui viendrait chanter son amour pour elle au bord du fameux Lac. Ses illusions se sont perdues sur le béton de cette ville sans âme, alors elle se meurt doucement, tristement, infiniment…