Cela se passait il y a quelques mois : la jeune fille avait décroché son bac et sa joie était alors immense. Puis elle est venue habiter dans la grande ville, dans un foyer pour étudiantes, comme il se doit. Elle croyait que sa vie allait changer, qu'elle allait rencontrer Amour luxe et volupté, des sensations qu'elle avait rêvé de vivre pleinement dès qu'elle serait libérée de l'emprise de sa famille... Elle croyait pouvoir décrocher sa place au soleil et devenir un personnage important dans la vie de la cité. Mais comme tout cela parait lointain à présent et comme ses espoirs ont été déçus... Car la ville aux mille feux qu'elle imaginait dans ses rêves fous n'a rien de lumineux. Comme dans son village, les gens de la ville rentrent dormir en même temps que les poules. Comme dans son village les lumières n'éclairent que quelques ombres furtives, pressées et stressées. Ici les hommes sont peut être plus riches, plus élégants, mais ils sont aussi plus portés sur les relations brèves, superficielles. Leurs mots sont doux, mais leurs intentions sont rudes, trop directes, sans sentiments. Elle rêvait de tendresse et de romantisme. Elle n'a trouvé que propositions indécentes et phrases creuses. La ville aux mille lumières cachait en fait un aspect sordide, fait de gens médiocres et de d'intérêts pitoyables. Or elle a besoin d'assouvir un immense besoin d'affection, d'absolu, de sublime. Elle avait une grande soif de sincérité, d'amour et de tendresse. Mais tout cela n'existe pas dans la grande ville. C'est alors que sa déprime s'est installée, avec ce sentiment désagréable d'être arrivée un siècle trop tard. Elle aurait aimé vivre à l'époque de Lamartine, aimer et être aimée de façon absolue, tragique même et mourir auprès du fameux Lac... Or ici elle se meurt à petit feu, lentement, infiniment. Elle se sent grignotée par chaque mot hypocrite, chaque geste trop empressé, chaque proposition indécente. Dans son village, elle vivait sa vie par procuration. Maintenant elle se meurt par déception, par désillusion...