Des progrès à faire encore en matière de voix citoyenne et de sens des responsabilités Au sens le plus large du terme, " la gouvernance" est considérée aujourd'hui comme l'un des indicateurs reflétant le niveau d'interaction entre l'Etat et la société civile, la corrélation entre l'administration et le corps politique mais aussi le degré de coalition entre ces derniers et les acteurs privés d'un pays. Par ailleurs, les institutions internationales confirment le lien de cause à effet entre la gouvernance et les aspects de développement humain tels que : l'amélioration des conditions de vie des citoyens, la lutte contre la pauvreté et la mortalité infantile, l'analphabétisme et les inégalités. En dépit des améliorations réalisées par certains pays, " la qualité de la gouvernance ne s'est pas véritablement améliorée au cours de la dernière décennie ". Les efforts doivent être déployés pour améliorer l'efficacité de l'action publique.
Après dix années d'études prospectives, les recherches soigneusement effectuées par l'Institut de la Banque Mondiale sur l'état des lieux de la gouvernance (1996-2006) se basent sur 33 sources de données, couvrant 212 pays dont la Tunisie et s'appuyant sur le droit de regard de la société civile (ONG, entreprises, acteurs du secteur public et privé... ) sur ceux qu'elle a mandatés (les représentants de l'administration publique). Les résultats du rapport sur les problèmes de gouvernance dans le monde ont été publiés au mois de juillet courant. Six indicateurs de bonne gouvernance ont été utilisés pour apprécier l'évolution de la gouvernance de par le monde. La voix citoyenne et la responsabilité, la stabilité politique et l'absence de violence, l'efficacité des pouvoirs publics, la qualité de la réglementation, l'Etat de droit et la maîtrise de la corruption. Les conclusions du rapport ont montré qu'il y a eu une certaine amélioration en matière de bonnes pratiques de gouvernance, notamment en Afrique, mais cette amélioration n'est pas assez significative vu la disparité entre les différents indicateurs. "Un certain nombre de pays - y compris en Afrique - font des progrès en matière d'amélioration de la gouvernance et de lutte contre la corruption. Ce constat est encourageant car la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption sont essentielles pour une croissance durable et la réduction de la pauvreté ", notent l'Institut de la Banque Mondiale et la Vice-présidence de la BM en charge de l'économie du développement. Dans ce même ordre d'idées Daniel Kaufmann, co-auteur du rapport et Directeur du programme gouvernance de l'Institut de la BM confirme : " On note avec intérêt qu'un nombre important de pays, y compris en Afrique, montrent qu'il est possible de faire des progrès significatifs en matière de gouvernance en un laps de temps relativement court. Cette amélioration de la gouvernance est essentielle pour assurer l'efficacité de l'aide et une croissance à long terme. [...] La corruption à l'échelle internationale est estimée a environ mille milliards de dollars, et le fardeau de la corruption pèse énormément sur le milliard de personnes au bas de l'échelle qui vivent dans une extrême pauvreté."*
La stabilité politique : un acquis Concernant la Tunisie, des progrès ont été enregistrés pour certains indicateurs de la gouvernance et ce, pour la période qui s'étale entre 1996 et 2006. Des hauts et des bas ont été enregistrés en Tunisie selon la nature du déterminant en question. Hormis l'indicateur intitulé : " Voix citoyenne et responsabilité ", qui marque un retard en matière de bonne gouvernance, les autres indicateurs ont progressé quoique à des rythmes fluctuants. L'indicateur : " Voix citoyenne et responsabilité " mesure théoriquement la manière dont les citoyens d'un pays participent à la vie politique, ainsi que la liberté d'expression, d'association et de presse. Le retard observé pour cet indicateur incombe essentiellement à la société civile qui s'autocensure et tarde à sortir du cocon, malgré la volonté politique d'abolir toute forme de restriction aux libertés de manière à édifier un dialogue émancipé, sans langue de bois et constructif. Si l'on observe la ventilation des indicateurs selon le rang mondial en pourcentage qui varie entre 0 et 100, on remarquera un progrès important en termes de qualité de la réglementation et d'ancrage de l'Etat de droit en Tunisie. Ces deux indicateurs mesurent la capacité des pouvoirs publics à élaborer et à appliquer de bonnes politiques et des réglementations favorables au développement du secteur privé et le degré de confiance qu'ont les citoyens dans les règles conçues par la société et la manière dont ils s'y conforment dont le respect des contrats, les compétences de la police et des tribunaux ainsi que la perception de la criminalité et de la violence. En matière de qualité de la réglementation le classement de la Tunisie est passé de " 66,8% (1996) à 58% (2006) ". Pour ce qui est de l'Etat de droit, on note une évolution positive de l'indicateur de 49% en 1996 à 60,5 % en 2006. Le progrès réalisé par les indicateurs précités reflète l'amélioration du climat des affaires en Tunisie et l'avantage compétitif de la Tunisie en matière de préservation de la sécurité. La stabilité politique compte parmi les bons points réalisés par la Tunisie au cours des 10 dernières années en enregistrant une évolution de 48,1% en 1996 à 53,8% en 2006. Du point de vue du score le plus élevé obtenu par la Tunisie, on notera l'efficacité des pouvoirs publics qui, malgré un repli dans le rythme. Entre 1996 et 2006, le pourcentage est passé de 74,4% à 70,6%. A signaler que l'indicateur en question mesure la qualité des services publics, les performances de la fonction publique et son niveau d'indépendance, la qualité de l'élaboration et de l'application des politiques, et la crédibilité de l'engagement des pouvoirs publics à l'égard de ces politiques. En conclusion, les indicateurs de bonne gouvernance qui reflètent la perception qu'a la société civile du fonctionnement des institutions publiques évoluent positivement mais lentement en Tunisie. L'évolution est nettement perceptible en matières de stabilité politique et de l'ancrage de l'Etat de droit alors que les libertés sont à préserver. Yosr GUERFEL
" Le critère essentiel d'une bonne gouvernance est que les mécanismes de fonctionnement de l'institution soient organisés de façon à éviter que les intérêts des mandatés (" agents ") prennent le pas sur ceux de leurs mandants (" principaux "), cela dans un esprit de démocratie "
Dix années de recherche ont montré que l'amélioration des conditions de vie résulte en grande partie d'une meilleure gouvernance, et non l'inverse. L'amélioration de la gouvernance par un écart type entraine une baisse de deux tiers de la mortalité infantile et une augmentation à long terme du revenu d'environ 300%. *Source : " Worldwide Gouvernance Indicators 1996-2006