Sur fond de cacophonie et dans un paysage agité de mille maux, une voix sourde mais assurée nous est parvenue la semaine dernière. Et dans un tourbillon de clameurs insensées qui de toutes parts nous assaillent, elle est venue nous rappeler une vérité : s'il est admis, comme l'affirme le sage, qu'au temps des clameurs, seul le silence porte loin, il n'est pas moins sage de penser qu'un cri, un mot ou un soupir, venant du passé au secours du présent, peut suffire pour sauver l'avenir. Au cours d'un conclave, informellement réuni, Hamed Karoui a lancé la semaine dernière, avons-nous dit, un émouvant cri de détresse à de grand prêtre de l'Etoile, anciens et nouveaux venus, réels ou supposés. Devant l'inconcevable, c'était sa contribution à un sauvetage de ce qu'il estime sacré, l'Etoile, Exactement comme il y a un demi-siècle, lorsque robuste quadragénaire, il se jeta dans l'océan soulevé par les passions pour arracher à ses vagues, en furie, et ramener à bouts de bras vers le rivage, sa belle aimée Etoile. Cette fois ci, l'âge et la lassitude ne permettant plus d'investir vigueur, temps et santé, il a mis au service de l'Etoile ce dont il est encore capable d'offrir, c'est-à-dire son renom et sa lucidité, ses convictions profondes et sa détermination désintéressée. Ecoutera-t-on seulement le cri de ce sage, venu du passé, prêcher la concorde dans la famille dispersée ? Rien n'est moins sûr, car le temps des sages est passé quand on vivait de vrai amour et d'eau fraîche, cédant la place aux faux prophètes qui aujourd'hui nous gavent d'illusions. En 1962, il s'agissait pour Hamed Karoui de s'opposer à un dragon d'autorité discrétionnaire alors qu'aujourd'hui c'est d'une hydre née de la propre chair de l'Etoile et se nourrissant de son sang, qu'il s'agit de lui couper les multiples têtes. Qu'importe, enfin de compte, si l'appel n'atteint pas son but premier. Sa fonction n'est-elle pas plus large en tant que message, non seulement à un conclave privé mais à tous les apprentis sorciers qui comme à l'Etoile, font partout, par amour, du mal à leur club ? Et comme dans toute histoire, il y a une morale, celle qu'on aimerait tirer ici est tant qu'une voix d'un sage se lève au dessus de la cacophonie, tous les espoirs restent permis.