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«Dégagement» et laïcité (1ère partie)
OPINIONS
Publié dans La Presse de Tunisie le 05 - 04 - 2011


Par Samir Mestiri
Après l'ère de l'incertitude et de l'hypothétique, voici enfin arrivé le temps du performatif qui dit ce qu'il fait, qui fait ce qu'il dit : un injonctif simple et laconique, sans circonvolutions reptiliennes, sans artifices, sans cinéma. C'est une voix indéfinie où tout rebelle, impatient de voir le bout du tunnel, a mis son cœur et son âme. C'est une clameur tonitruante de liberté et déjà une proclamation de la république démocratique. C'est, du moins, ce que l'on espère : «le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple».
C'est un présent atemporel, omni-temporel et sans système de pensée. Universel. Planétaire… Un présent de vérité générale qui a visé en premier lieu Ben Ali mais qui continue à agir comme une onde de choc sismique sur d'autres dictatures plus ou moins patentes. Ce présent désirant est aussi un impératif de liberté et d'éthique socratique. Il invoque et convoque à la fois de manière concise. Il appelle à réagir, à prendre des risques, à vivre libre ou à mourir dignement. Il se ramasse sur lui-même et se tend comme l'arc d'Eros dont la vertu essentielle consiste à engager les êtres et les choses à se joindre et à créer la vie et l'amour. «Dégage» est un cri primaire et cathartique, il libère les passions refoulées, il correspond à l'année zéro de la Révolution…
«Dégage» est un slogan lapidaire qu'on jette comme on jetterait un pavé dans la mare, un verdict sans appel prononcé par des milliers de citoyens désarmés exerçant pour la première fois leur pleine citoyenneté, dans la rue et en toute liberté. Sans crainte aucune. «No fear», écrivent nos jeunes sur les murs de la ville transformés en pages blanches. Ni la police politique ni l'armée ne leur font plus peur. Autrefois, sous le règne de l'ancien dictateur, cette interlocution subversive était impensable. Utopique. Pour avoir prononcé ces quelques syllabes fatidiques, on risquait de se faire attirer les foudres de la DST, on risquait même sa vie ainsi que celle de tous ses proches. On peut être «dégagé» à jamais de la vie. Désengagé (aujourd'hui le gouvernement irrité par trop de «dégagements» employés massivement et fusant de toutes parts appelle à changer le «dégage» à la deuxième personne du singulier par la première personne du singulier « je m'engage» afin de sauver les meubles). Mais, pourquoi penser déjà à mettre un terme à la contestation constructive ? Faut-il rappeler que la liberté d'expression-dans le respect de l'éthique- ne saurait souffrir les interdits et les demi-mesures compromettantes comme dans les temps anciens. Trop de gymnastique tuerait la liberté…
Ce mot désagrège tout système, il démonte l'appareil répressif en petites pièces comme on démonterait une mécanique vivante. «Dégage»— tout le monde le sait— était autrefois le mot de prédilection dans le lexique minimaliste du tyran peu disert pour gérer les affaires du pays réduit à une vache à lait par son clan mafieux et sans scrupules. Quand l'ancien dictateur apprit l'immolation du jeune Bouazizi, il aurait répliqué cyniquement (sans savoir que sa carrière présidentielle était elle aussi grillée comme un brin de paille): «Qu'il dégage, bon débarras !».
Voilà que cette révolution imprévue redonne vie et couleur à un mot très courant. Le «dégage» populaire se met à l'envers comme un pendu ayant la tête en bas et les pieds en haut. Un mot pour révolutionner la terre autour du soleil de la liberté... Néanmoins -et c'est là le danger de ce slogan improvisé par la foule- l'idéologie des contre-révolutionnaires dissimulés peu partout peut opérer une mutation sémantique en reprenant à son compte le même terme, mais dans un autre esprit, diamétralement opposé au sens originel.
Le verbe « dégage » chez un démocrate n'a pas le même sens chez un fondamentaliste jihadiste-suicidaire ; cela dépend du point de vue de chacun, de sa prise de position dans l'espace public («la société civile» comme on l'appelle aujourd'hui) et de sa vision du monde selon qu'on est engagé ou désengagé, rangé ou anti-conformiste. Selon qu'on est de l'autre côté ou devant la barrière attendant son tour… Initialement «dégage» a été utilisé par le peuple en colère de Sidi Bouzid ainsi que tous les exclus sociaux pareils à des «riens» indéfinissables, des êtres vagues et «sans personne dedans» tant ils étaient réduits à des choses sans vie authentique comme «des âmes mortes», bref, des loques humaines insignifiantes. Aujourd'hui, ce terme est déjà récupéré par des fanatiques malintentionnés qui essaient d'occuper un terrain laissé en friche par le RCD tentaculaire et omnipotent.
Ainsi, du «dégage» initialement subversif car hostile au pouvoir –là aussi, cela dépend de la couleur politique de chacun- on est passé à un autre «dégage», récupérateur et usurpateur (cette révolution est déjà menacée par l'intolérance des fanatiques obscurs, des soi-disant défenseurs de la parole et risque de faire fausse route ou pire, d'enfanter une hydre idéologique) il rappelle la mauvaise foi du loup de la fable de la Fontaine qui n'arrête pas de répéter à l'agneau : «tu la troubles» car il a besoin non seulement de manger l'agneau mais aussi de justifier son recours à la violence par toutes sortes d'arguments fallacieux : à ses yeux tous les agneaux sont potentiellement coupables.  Alors que le premier dégage propose de construire une société laïque pour tous, le second, révisionniste et retors, cherche à effacer et à exclure.
Ce refus de l'argument adverse –fais ce qu'on te dit, sois comme moi ou tu meurs- est une apodoxie (en rhétorique c'est le refus net de l'argument de l'interlocuteur) qui est en soi, déjà, une forme de violence sectaire, en ce qu'il préjuge avant de comprendre, en ce qu'il condamne sans procès, sommairement et iniquement. En d'autres termes, le plus fort ne peut pas avoir tort. La loi du plus faible est toujours mauvaise. Les arguments du puissant sont toujours infaillibles et incontestables.
Traiter le laïc de scientiste et d'impie (le scientisme en soi n'est pas un crime : un scientiste n'a jamais utilisé d'explosifs pour imposer ses convictions, son suicide n'est jamais meurtrier, s'il lui arrive de se tuer c'est, généralement, loin des autres, pour des raisons purement personnelles) et d'impie alors qu'on peut être laïc et croyant ou croyant et laïc est ce qui relève de l'amalgame idéologique le plus fâcheux. Tous ceux qui osent contester l'hégémonie de la religion sont considérés comme des sceptiques nuisibles pour la cohésion sociale, ils méritent donc d'être éliminés, au nom de Dieu tout puissant…


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