• Usant d'une lecture fallacieuse de l'article 11, il refuse d'entériner deux projets de loi adoptés par l'ANC concernant nos rapports avec le FMI
L'extradition de Baghdadi Mahmoudi n'a fait que compliquer de plus une situation déjà confuse et pénible à supporter. Cette opération n'a pas été acceptée par la présidence de la République qui en a profité pour limoger Mustapha Kamel Nabli Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie. Pire encore, le président Moncef Marzouki a refusé de signer deux projets de loi concernant l'amendement de l'accord de création du Fond Monétaire International (FMI) et l'autorisation de l'augmentation de la part de la Tunisie dans ce fond qui s'élève à 258 700 000 Droits de Tirage Spéciaux (DTS). L'Assemblée Nationales Constituante (ANC) avait adopté le 13 juin, ces deux projets de lois.
Dans la page facebook de la présidence, un communiqué explique ce refus par sa conformité à l'article 11 de la loi Fondamentale d'organisation provisoire des pouvoirs. La présidence demande le report de la signature de ces deux lois, jusqu'à l'examen du projet de loi présenté par un groupe de membres de la Constituante exigeant un audit des dettes du pays contractées avec les institutions internationales et les pays étrangers. Il est précisé que la Tunisie qui a respecté ses engagements financiers dans les périodes les plus difficiles après la Révolution, est soucieuse aussi bien au respect des conventions internationales que de la mise en place des conditions pour réaliser les objectifs de la Révolution en termes de justice sociale et lutte contre la pauvreté et la marginalisation.
La présidence de la République voudrait que la Tunisie puisse « dans une étape ultérieure, négocier le recyclage des dettes empoisonnées ou leur gel ». C'est ce que certains spécialistes appellent dettes odieuses. Il faut dire que le débat sur les dettes odieuses n'est pas nouveau et reste encore insoluble. Beaucoup de spécialistes pensent que la continuité de l'Etat doit primer et qu'il n'est pas question de ternir l'image de marque de la Tunisie sur les places financières internationales en demandant la renégociation de sa dette qui est dans une proportion acceptable par rapport au PIB.
Sur le plan politique, le refus de signature traduit lui même « un blocage constitutionnel entre le Gouvernement et la présidence de la République », affirme Samir Taïeb, porte-parole de la Voie Démocratique et Sociale (VDS). Cette abstention à signer survient tout juste après le limogeage de Mustapha Kamel Nabli. Or ces deux lois avaient été votées par les membres de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC) y compris les Constituants du parti du président, le Congrès pour la République (CPR). « Moncef Marzouki, dessert tout le monde. Ils disent par la suite que l'opposition est en train de freiner le travail du Gouvernement », poursuit notre interlocuteur.
Moncef Marzouki, pourra-t-il être amené à démissionner ? « Lorsqu'on dissèque les réactions de son parti, on doute fort qu'il puisse aller jusqu'au bout. Il espère gagner la sympathie d'une frange de personnes qui sont contre la dette ». Mais il y va de la continuité de l'Etat. S'il arrive à quitter, il peut gagner une certaine sympathie, mais il ne pourra pas aller plus loin. L'état délabré de son parti ne lui permettra pas d'aller au bout de ses intentions électorales.
Sur le plan juridique, le refus de signer ne mènera nulle part. Selon l'alinéa 2 de l'article 11 de la loi fondamentale de l'organisation provisoire des pouvoirs constituante, le président de la République a l'attribution « de promulguer et publier les lois adoptées par l'ANC au plus tard 15 jours de la date de dépôt auprès de ses services. A défaut de promulgation et de publication dans ledit délai, le projet de loi est remis à l'assemblée pour nouvelle adoption conformément à la formalité de la première adoption et sera promulgué dans ce cas par le président de l'ANC ». Il est donc clair, que le refus de signer les deux projets de loi par le président ne changera rien. Où veut-il en venir ?
Un des enseignements à tirer de cette crise, est que le Gouvernement ne peut entrevoir autre issue que celle de la légitimité consensuelle pour mener le pays à bon port. Le manque d'expérience dans l'exercice du pouvoir représente un handicap majeur pour ses membres ainsi que le président de la République, une évidence qui peut leur sonner le glas fatidique.
Attendons les délibérations de la plénière d'aujourd'hui, au sein de la Constituante, pour voir plus clair.