Ben Ali et sa famille ont amassé au bout de 23 ans de règne une fortune dépassant selon les estimations les 9 milliards de dinars. L'ex-famille usurpatrice a utilisé tous les moyens licites et illicites pour s'accaparer la richesse du pays. Aucun secteur n'y échappé.
Maraudage, escroquerie, répression, détournements de fonds publics et privés, abus de pouvoir ! Tout y était. Les institutions de l'Etat, les experts, les professionnels, les médias et organes de presse, les juristes...se sont imbriqués dans un système malpropre et infect terrant la course déchaînée du clan mafieux au pouvoir et à la richesse. Après la Révolution, plus de 240 entreprises du clan ont été confisquées employant plus de 15000 emplois directs. Un an et demi après la fuite de Ben Ali on attend vivement la finalisation des procédures de cession des parts confisquées par l'Etat. Besoin en fonds de roulement budgétaire oblige. Le gouvernement Jabali parle de 1200 MD de biens confisqués à injecter au budget 2012. Après la mise en vente aux enchères de quelques voitures de luxe et yachts appartenant à l'ex-famille royale, le gouvernement passe à la vitesse supérieure pour s'attaquer maintenant à deux sociétés de grands calibres. Il s'agit du premier opérateur de télécommunication Tunisiana et la société Ennakl. L'Etat a lancé l'appel d'offres international pour céder 60% du capital du concessionnaire automobile Ennakl.
A l'évidence les caisses de l'Etat sont avides d'accessoires et deviennent, fortes demandeuses de liquidités et ont plus que jamais besoin d'une bouffée d'oxygène à même d'alimenter la cagnotte et mobiliser les fonds nécessaires au financement des dépenses budgétaires qui montent crescendo. Toutefois, la besogne à abattre pour traiter le dossier des biens confisqués n'est pas une sinécure et représente une tâche sérieusement délicate, nécessitant transparence et vigilance accrues. Il s'agit de millions et des millions de dinars en jeu, des entreprises qui forment la colonne vertébrale de l'économie nationale. Les céder oui, mais pas à n'importe quel prix et n'importe quelle façon ? Le dilemme c'est de savoir manœuvrer pour contourner les magouilles et manigances financières ? Qui va gagner des millions et qu'est ce qui se tramme aujourd'hui dans les coulisses?
La gestion de certaines sociétés confisquées a été récemment confiée à la Caisse des dépôts et des Consignations, institution chargée de la conservation et de la gestion des ressources et des titres mis à sa disposition ainsi que les ressources mobilisées pour ensuite les affecter aux placements et aux investissements. Ceci dit, la nouvelle mission de gestion des sociétés confisquées, laissée aux soins de la caisse imposera-t-elle à cette dernière des risques contraires aux règles de prudence auxquelles elle doit s'y astreindre ? La CDC est conditionnée dans ses différents placements et investissements à respecter des règles et des normes de gestion prudentielles fixées par arrêté du ministre des finances après avis du gouverneur de la banque centrale de Tunisie. L'objectif et de ne pas s'en écarter tout en essayant de limiter autant que possible les prises de risques trop importantes au sein du capital d'un fonds. En vertu des missions et attributions d'origine déléguées à la CDC, la nouvelle mission dont elle est chargée impose à cette dernière l'éventualité guère souhaitable à courir des risques contraires aux règles de prudence auxquelles elle doit être soumise. D'où l'imbroglio. Parviendra-t-elle à gérer simultanément et d'une manière efficiente les fonds publics mis à sa disposition et certains avoirs mal acquis du clan Ben Ali ? Où commencera et où finira le rôle de la CDC ?
Le problème qui se pose donc est le suivant : la caisse est censée gérer des fonds publics, épargne postale et autres...et puisque la nouvelle mission attribuée à la CDC lui confère la possibilité d'acquérir des parts dans les sociétés confisquées, il y a quelque part une prise de risque mais lequel doit être calculé. Autrement dit comment peut-elle utiliser des fonds publics pour investir dans des activités risquées ?
Nomination de Ahmed Abdelkafi, membre du conseil d'Administration de la CDC : Y-a-t-il risque de délit d'initiés ?
A ce titre, certains pensent que les 3000 milliards (parts de l'Etat dans les sociétés confisquées) devraient êtres placés au plus vite dans des investissements productifs à même de juguler et d'amortir l'effet dévastateur du chômage qui érode le pays. Ils soutiennent donc la thèse selon laquelle la CDC pourrait participer dans l'acquisition des sociétés mal acquises dès lors que cette dernière serait en mesure d'assurer une bonne gestion des risques, un minimum de rentabilité, un choix ciblé des projets tout en se dotant des garde-fous nécessaires à la préservation des biens publics. D'autres, penchent plutôt à ce que la CDC évite toute prise de risque pour confier la besogne aux mains du secteur privé et des partenaires étrangers et permettre à la caisse la charge d'investir dans des grands projets d'infrastructure.
D'autre part le conseil d'administration de la Caisse a décidé le mois de juin dernier la création d'un holding chargé de l'acquisition d'un nombre d'entreprises confisquées. Un holding qui œuvrera sous la tutelle de la CDC. Deux administrateurs ont été nommés dans le conseil d'administration du Holding baptisée El Karama. Il s'agit de l'ex ministre des Finances Jalloul Ayed et le grand financier et pionnier dans le monde des finances qui n'est autre que Ahmed Abdelkefi, PDG du groupe financier TLG. Jusque là tout concorde. Mais où réside le problème ?
Bien que personne ne puisse nier les qualités de Ahmed Abdelkefi pour postuler aux commandes et la longue et riche expérience dont dans le cercle financier du pays, certains n'hésitent pas à chuchoter dans les couloirs le risque de conflit d'intérêts, vu que Ahmed Abdelkefi, se trouve être possesseur d'une société d'intermédiaire en Bourse qui n'est autre que Tunisie Valeurs. Peut-il accéder à des informations d'initiés avant les autres intermédiaires sur le marché. A priori, cette nomination pose problème chez les autres intermédiaires en Bourse N'y-a-t-il pas risque de délit d'initié ? Dans ce cas comment faire pour éviter ce risque ?
Selon les financiers, ce risque n'a vraiment pas raison d'être et ce n'est qu'un sous-sujet. « Aucun risque de délit d'initié vu que les choses sont faites en toute transparence », nous confie un agent du CMF en affirmant que le conseil est doté d'un système d'alerte contre toute tentative de délit.
Demeurent alors d'autres zones d'ombres qui tournent autour des entreprises confisquées, il semble que l'intermédiaire en Bourse Mac ait été chargé de la vente de certaines entreprises. Or le choix de cet intermédiaire en Bourse laisse suspecter une présumée implication le mêlant dans des transactions illicites de la famille Ben Ali touchant notamment à une manipulation des cours.
Appels d'offres et pratiques malpropres : on revient aux vieux démons
Entre temps dans la mêlé, voilà que certaines voix s'élèvent pour dénoncer des pratiques malsaines relevées dans quasiment tous les appels d'offres lancés pour la mise en vente de la partie confisquée et possédée par l'Etat. Les vieux démons sont-ils de retour ? Presque tous les appels d'offres ont été fixés pour un délai d'une semaine. Et c'est le cas de la société « City cars » qui commercialise les voitures Kia, l'appel d'offres a été lancé le 24 juillet avec date limite de dépôts des offres le 31 juillet. Ce qui laisse à penser que l'évaluation de la valeur intrinsèque des entreprises confisquées est sujette à controverses. Les cahiers de charges y afférents ont-ils été élaborés en bonne et due forme. Actuellement, trois cabinets d'expertise ont été chargés de l'évaluation des sociétés concernées. Une expertise qui doit se faire en une semaine ! Cà donne à réfléchir ? Les acheteurs potentiels sont-ils connus d'avance. Et comme il n'ya pas de fumée sans feu et il y a peut-être quelque part en l'air des affaires louches et rocambolesques.
Ben Ayed serait-il intéréssé par Ennakl ?
Aujourd'hui et après le lancement des appels d'offres portant cession des parts de l'Etat dans le capital de Tunisiana et Ennakl, un engouement pressant se dessine pour le titre Ennakl. Un engouement qui a dynamisé la cote. On parle de petits et grands porteurs intéressés par le titre Ennakl. Il va sans dire que le cas d'Ennakl est très particulier dans la mesure où la société dépend d'un partenaire étranger, Volkswagen et vu qu'elle est cotée en Bourse, la loi interdit la cession à plus de 49% du capital à des étrangers. Autrement dit l'acquéreur sera un Tunisien. Qui sera l'heureux élu ? On parle dans les coulisses que Poulina Holding, le Groupe de Ben Ayed serait fortement intéressée par l'acquisition d'Ennakl. Qu'il soit le groupe de Ben Ayed ou un autre consortium tunisien ou mixte en course, que le meilleur gagne. L'essentiel c'est de préserver les acquis économiques et sociaux du groupe Ennakl. Un groupe qui participe dans deux autres sociétés : Zitouna 1 (49%) et Zitouna 2.
Il importe aujourd'hui d'assurer la transparence du processus de cession de ces entreprises loin des intérêts personnels et des magouilles inter-clans. L'essentiel et le plus important revient à préserver des milliers et des milliers d'emplois et de maximiser le profit de cession qui renflouera les caisses de l'Etat et donc à la collectivité publique.