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Human Rights Watch s'inquiète du retour de la censure au nom du religieusement correct Projet de loi relatif à la criminalisation de l'atteinte au sacré
L'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW) a estimé que le projet de loi criminalisant les atteintes au sacré présenté le 1er août par le mouvement islamiste Ennahdha à l'Assemblée nationale constituante menace la liberté d'expression. «Les organisations de défense des droits humains dont, notamment, le comité des droits de l'Homme des Nations Unies ont affirmé à de nombreuses reprises que la protection juridique de la liberté d'expression interdisait de pénaliser les discours jugés diffamatoires contre une religion, sauf quand il s'agit d'appel à la haine religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence », précise l'organisation dans un communiqué publié hier. Et d'ajouter : « Les conventions internationales relatives aux droits humains, dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples, tous deux ratifiées par la Tunisie, garantissent la liberté d'expression et n'autorisent les gouvernements à la limiter que sous des circonstances à la fois restreintes et clairement définies. Le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, constitué de pays du monde entier, dans son importante résolution 16/18 de mars 2011, s'est aussi mis d'accord par consensus pour abandonner toute notion de diffamation de la religion en tant que restriction admissible de la liberté d'expression ».
HRW a également fait savoir que le projet de loi risque de favoriser le retour de la censure au nom du religieusement correct « S'il était adopté, ce projet de loi introduirait une nouvelle forme de censure dans un pays qui en a déjà tellement souffert sous le président déchu », a déclaré Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de l'organisation, cité par le communiqué.
Formes diverses
Le projet de loi ajouterait un article au code pénal tunisien, qui rendrait l'atteinte au sacré passible d'une peine allant jusqu'à deux ans de prison ou 2 000 dinars d'amende. La peine peut aller jusqu'à quatre ans de réclusion en cas de récidive.
La loi définit le sacré comme étant « Allah le tout-puissant, ses prophètes, les livres sacrés, la sunna de son dernier prophète Mohamed, la Kaaba, les mosquées, les églises et les synagogues. L'atteinte au sacré peut prendre la forme d'insultes, d'ironie, de sarcasme, de dérision ou bien de la profanation physique ou morale de la sacralité des valeurs religieuses. L'offense pourrait être commise par des, paroles, des images, des écrits ou des actes.
Le groupe d'Ennahdha à l'Assemblée constituante avait justifié la présentation de ce projet de loi par « la surenchère des actes blasphématoires» et la nécessité de combler l'absence de législation qui pénalise les atteintes à la religion en Tunisie.
Human Rights Watch, fait cependant, remarquer dans son communiqué que , depuis la fuite de Ben Ali en janvier 2011, les tribunaux tunisiens ont emprisonné des gens pour des discours jugés insultants envers l'islam ou les musulmans, et ce en l'absence de telles lois. Ils se sont servis de l'article 121-3 du code pénal, qui pénalise les actes troublant l'ordre public ou les bonnes mœurs. Le directeur de la chaîne privée Nessma TV a été reconnu coupable « d'atteinte aux bonnes mœurs » par le tribunal de première instance de Tunis pour avoir diffusé film « Persépolis » de Marjane Satrapi où Dieu a été représenté. Il a été condamné à une amende de 2 400 dinars. Plus récemment, un tribunal à Mahdia a condamné deux jeunes hommes à sept ans et demi de prison pour avoir publié sur internet des caricatures et des commentaires se moquant du prophète Mohamed de façon obscène. « «Les législateurs tunisiens devraient travailler à abolir les lois qui sont toujours utilisées pour museler la liberté d'expression, au lieu d'en ajouter», a conclu le directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de HRW.