Regarder les spots publicitaires à la télévision, avec leur lot quotidien de yaourts, de viandes emballées, de biscuits ou de téléphonie a quelque chose de choquant quand on voit ce qui se passe dans certaines villes de l'intérieur ou dans les quartiers populaires où certains citoyens ne peuvent même pas se payer le minimum vital... Un petit fonctionnaire rencontré sur un marché et avec qui nous avons évoqué ce sujet nous a confié : « je n'ose même plus regarder ces visages d'hommes amaigris et mal rasés, ni ces femmes habillées en haillons ou encore ces gosses misérables qu'on dirait tout droit sortis du 19ème siècle... A côté d'eux, j'ai l'impression d'être un richard, alors que je n'arrive pas à joindre les deux bouts ! »
Se rendre aux marchés par cette chaleur est déjà un calvaire en soi pour tout le monde, mais si l'on y ajoute les surprises quotidiennes avec des hausses de prix injustifiées, la bousculade déraisonnable d'une clientèle aussi pressée que stressée et la circulation inextricable de la capitale, il y a de quoi perdre le moral et même désespérer...
Subir l'humeur grincheuse des vendeurs de fruits et légumes qui vous envoient sur les roses si vous contestez leur façon de choisir les fruits ou de faire pencher leur balance en leur faveur, ne donne vraiment pas du tout envie d'aller au marché et de se retrouver confronté à ces bandits déguisés en vendeurs de fruits et légumes...
Et puis lorsque l'on voit la qualité des produits, légumes, viandes, fruits ou poissons exposés au soleil par 40 degrés, aux échappements des voitures, aux poussières, on se demande quel impact tout ce laisser aller peut avoir sur la santé et surtout comment se fait-il que les Tunisiens soient si immunisés contre les denrées périmées et les produits toxiques...
Et nous n'avons pas encore parlé des prix qui atteignent des records absolus cette année, avec le Ramadhan le plus cher de l'histoire de la Tunisie. Avec des fruits qui ne connaissent aucun plafond, des prix soi-disant fixés par les autorités de tutelle et qui sont dépassés au vu et au su des agents de contrôle, eux-mêmes dépassés et agressés par les bandits évoqués plus haut.
Il faut aussi parler des balances trafiquées en faveur des vendeurs, des poids qui ne sont jamais justes, allant jusqu'à 100 grammes de moins que leur poids initial d'un kilo. IL y a aussi leur technique de prestidigitateur qui consiste à glisser des fruits pourris dans le sachet, sans que vous vous en aperceviez. De vrais magiciens !
Le témoignage le plus incroyable et le plus désolant, nous l'avons recueilli auprès d'un citoyen modeste, père de trois enfants : « le pire c'est que ces mêmes tricheurs, voleurs et autres arnaqueurs je les retrouve le soir en train de prier Dieu, juste à côté de moi. Comment peuvent-ils avoir deux visages si différents, l'un pour jouer au diable et l'autre pour rencontrer leur Créateur ? »
Face à tout cela, une majorité de citoyens n'attendent plus que la fin de ce calvaire, de cette punition générale à un peuple qui n'a rien fait pour subir toute cette misère, ce stress et ces agressions quotidiennes. La plupart de ceux que nous avons rencontré attendent impatiemment l'Aïd, pas pour la fête, mais pour reposer leur nerfs à fleur de peau, leurs corps fatigués, leurs porte monnaie épuisés.