Au cours d'un colloque organisé samedi dernier, par l'observatoire pour l'indépendance de la magistrature et auquel ont pris part plusieurs membres de la société civile, dont des magistrats, des avocats, des juristes et des journalistes appartenant aux médias écrits et audiovisuels, la question de l'indépendance de la Justice a été soulevée avec acuité. C'est que la question de la création d'une instance provisoire de la Justice, qui aura pour objet de mettre fin à l'ingérence de l'exécutif dans le secteur judicaire, tarde à venir, à telle enseigne qu'elle est devenue comme l'Arlésienne, une nouvelle d'Alphonse Daudet où un jeune homme, victime de sa naïveté, finit par se suicider en apprenant la vérité sur celle qu'il avait choisie naguère pour épouse. Car depuis le temps que la Constituante devait instituer cette instance, on n'a fait qu'atermoyer sur les formalités tendant à sa création. Dans cette attente, la mainmise de l'exécutif sur le secteur de la magistrature ne fait que perdurer, les nominations, ainsi que tous les avancements et les sanctions disciplinaires restant du seul ressort du ministère de la Justice. Au cours du colloque, les participants ont constaté jusque là, le non aboutissement des efforts de la Constituante, à instituer une telle instance. Bien plus, il y a selon des magistrats membres de l'observatoire, tels que son président Ahmed Rahmouni, un retour aux procédés de l'ancien Conseil Supérieur de la Magistrature, où les décisions étaient dictées par l'exécutif, voire par le chef de l'Etat qui était en même temps le président dudit conseil. Décisions unilatérales de l'exécutif Pour preuve, le mouvement des magistrats pour la nouvelle année judiciaire, 2012-2013, a été décidé uniquement par le seul ministère de tutelle. Selon quel critères et suivant quelles modalités ? les gens de la profession, qui sont les premiers concernés, continuent à subir la mainmise de l'exécutif, en recevant des directives qu'ils seront obligés d'appliquer à la lettre. En effet, pour cette année, ils n'ont ni la faculté de discuter ni de contester les décisions de leur affectation, d'autant plus qu'aucune concertation n'a eu lieu avec les représentants de la profession à cette occasion. Durant l'ancien régime, certaines affectations étaient faites,suite à l'attitude d'un magistrat qui a déplu, exprimé son opinion, ou n'a pas appliqué les directives comme il se devait. L'affectation était dans ce cas une sanction officieuse ou déguisée. Des magistrats intègres qui étaient de surcroît compétents et qui essayaient d'appliquer la loi d'une manière objective et sans préjugés, se retrouvaient mutés du jour au lendemain, de Tunis à Médenine, ou de Gabès à Ben Arous, dans le cadre du mouvement annuel. Le pouvoir Judiciaire : principe constitutionnel intangible Les participants au colloque ont dans une série de recommandations pour la consolidation de l'indépendance de la magistrature, insisté sur la nécessité d'instituer des instances judiciaires indépendantes qui aurait pour fonction la gestion des affaires de la magistrature en général dont les membres seront élus par les gens de la profession. Cela évitera cette mainmise de l'exécutif qui nuit énormément au secteur et à l'indépendance de la Justice d'une manière générale. Le pouvoir judiciaire étant un principe constitutionnel intangible, doit être consacré par la constitution et corrélativement il a été recommandé que l'autogestion de la magistrature doit y être expressément mentionnée. Enfin, les participants au colloque, ont insisté également sur la nécessité de faire participer le plus de membres possibles de la composante sociale, afin de parvenir à mieux consolider l'indépendance de la magistrature et instituer un pouvoir judiciaire garant des droits des libertés et des droits de l'Homme.