Depuis l'initiative prise par le ministère des droits de l'Homme, en vue d'entreprendre des réformes en faveur de la Justice transitionnelle, comme la sœur Anne, nous n'avons encore rien vu de concret à l'horizon. Les colloques se multiplient à cet effet mais il n'y a rien de nouveau, que ce soit en ce qui concerne la liberté de la magistrature ou son éradication. Celle-ci a hélas pris un mauvais départ, par la révocation de 82 magistrats, de manière unilatérale, par le ministère de la Justice. Ce qui a jeté encore de l'huile sur le feu, alors que la plupart des membres de la composante civile, n'a cessé d'appeler à une indépendance effective de la magistrature, sans la mainmise de l'exécutif et sans que les juges ne soient influencés par l'opinion publique dominante.
Principes fondamentaux
Si l'indépendance de la Justice est la base d'une Justice saine et sans bavure, il n'en reste pas moins qu'il faut prendre en considération un certain nombre de principes fondamentaux, sans lesquels il ne peut y avoir de vraie réforme de la Justice, dont le droit à la vérité et à la réparation. Durant le régime révolu, et même précédemment sous le régime de Bourguiba, la voie de la vérité était pleine d'embûches, et ceux qui l'empruntaient trouvaient beaucoup de mal à y aboutir sans dommages. La vérité est donc l'une des principales préoccupations des acteurs de la Justice transitionnelle. La réparation des préjudices ne peut se faire comme il se doit sans la vérité. La première est tributaire de la deuxième. Ce sont les deux éléments fondamentaux de la Justice transitionnelle.
Les magistrats « sous » l'ascendant de l'exécutif
Il ne peut y avoir de Justice transitionnelle sans que les magistrats ne soient indépendants. Cela implique que leurs décisions ne doivent être entachées d'aucun ascendant de quelque nature qu'il soit. Or les magistrats subissent encore après la Révolution l'ascendant de l'exécutif, que ce soit directement par le ministère de la Justice, ou indirectement par le gouvernement. La révocation des 82 magistrats de manière unilatérale par le ministère de la Justice, et l'extradition dernièrement de Baghdadi Mahmoudi, confirmée par le tribunal, sont deux cas concrets qui confirment cet état de fait. En outre, les magistrats subissent la pression de l'opinion publique. C'est l'avis de plusieurs juristes et membres de la composante civile, dont Me Hafedh Brigui , qui dans un colloque organisé lundi dernier conjointement par l'Association des Magistrats Tunisiens et l'Ordre National des Avocats, a affirmé notamment : « Depuis la Révolution, les magistrats craignent de plus en plus l'opinion publique et rendent des verdicts pour satisfaire la rue ! » Cela est d'autant plus grave, pour la crédibilité de la magistrature et de la Justice en général. Dans les pays où la Justice est soucieuse du respect des droits de l'Homme, les magistrats ne craignent pas de rendre des verdicts contrecarrant les décisions de l'administration publique ou de l'exécutif en général. Prenez le cas de l'expulsion ou de l'extradition en France, où souvent les tribunaux administratifs ou judiciaires annulent des arrêtés d'expulsion ou d'extradition. Aucune extradition ni expulsion ne peuvent avoir lieu sans qu'elles soient entérinées par la justice . Cela n'est que dans le sens du respect des principes des droits de l'Homme.
A quand l'Instance provisoire pour la magistrature ?
La situation d'une mainmise du ministère de la Justice ne fait que perdurer. C'est ce qu'ont fait remarquer des juristes et des avocats au cours du colloque précité. C'est la raison pour laquelle il est important de constituer le plus tôt possible une instance provisoire pour la magistrature avec un système d'échevinage, où la moitié des membres seront élus par les magistrats eux-mêmes , et l'autre moitié par la Constituante. C'est du moins ce qu'ont proposé les participants au colloque, dont Me Ben Khelifa, avocat ainsi que plusieurs membres de la composante civile. C'est cette instance qui procédera à l'éradication de la magistrature. Une éradication, sans esprit de revanche. Il ne s'agit pas en effet de procéder à des sanctions des magistrats corrompus. Ceux qui seront impliqués parmi ces derniers, doivent bénéficier de toutes les garanties de défense, conformément à la loi et aux droits de l'Homme. Le plus important pour ladite instance, c'est d'instaurer un système judiciaire où les magistrats seront libres de tout ascendant et de toute pression. C'est la condition sine qua none pour la réalisation de l'indépendance de la magistrature et la consolidation de la Justice transitionnelle.