La liberté n'est rien sans les droits permettant d'en jouir à bon escient. D'où la naissance de la notion des droits de l'Homme, au fil des temps, et depuis que l'être humain a commencé à prendre conscience de son existence et de sa supériorité sur l'animal, étant doté d'un esprit lui permettant de discerner et de faire la part des choses suivant le contexte où il se trouve. La plupart des philosophes et des penseurs, s'accordent à dire que le droit à la liberté ne peut être efficace sans le pouvoir de l'exercer. Il ne suffit donc pas que les lois régissant les droits de l'Homme soient promulguées, et publiées au journal officiel. Il faut surtout, dans tout régime démocratique, soucieux de la préservation et la consolidation de ces droits, que soient instaurés les mécanismes nécessaires à leur mise en application, de manière systématique, et équitable, permettant à tous les citoyens d'en jouir de la même manière, afin d'éviter les injustices et les pratiques du système des deux poids, deux mesures.
Quand les droits de l'Homme étaient systématiquement bafoués
Ces pratiques ont été celles de l'ancien régime, que ce soit sous Bourguiba, ou sous Ben Ali. A l'avènement de l'indépendance, le pays était souverain, mais pataugeait en ce qui concernait les libertés publiques à cause des troubles survenus suite à la dissension entre Ben Youssef et Bourguiba, deux grands leaders du parti du Destour, qui avaient combattu pour le même idéal, mais qui n'étaient pas d'accord sur la stratégie à suivre. C'était le commencement du recours à la répression et à la force, qui s'est peu à peu développé, au fur et à mesure que le régime s'était ancré, pour servir à mater des opposants d'un autre genre : tous ceux qui réclamaient l'exercice des libertés publiques. Des lois réglementant les droits et les libertés étaient pourtant promulguées, mais n'étaient jamais appliquées dans le sens de la Justice, à cause de cette mainmise sur la magistrature. Une main musclée, qui tenait prisonnier le magistrat, utilisé à merci, par le pouvoir. Sous Ben Ali, ce phénomène se développa davantage, et l'indépendance de la Justice spoliée, devint un vain mot. A la Révolution, , le besoin de réorganiser la Justice, en vue d'assurer l'indépendance de la magistrature, s'est fait ressentir par toutes les composantes de la société civile comme étant parmi les priorités tendant à consolider l'exercice des libertés publiques et les droits de l'Homme. D'où la naissance de cette notion de Justice transitionnelle qui en est pour le moment au stade du balbutiement, bien que le gouvernement y ait consacré un ministère. C'est autour de ce thème que l'observatoire de la Justice Transitionnelle a organisé , samedi dernier un séminaire auquel ont participé plusieurs membres de la société civile dont des juristes des magistrats, des avocats et des représentants de médias écrits et audiovisuels. Ahmed Rahmouni président de l'observatoire a fait surtout remarquer, « qu'il fallait instituer, en vue d'assurer l'indépendance de la magistrature, une instance indépendante de la magistrature. Or la réticence de l'ANC d'instituer cette instance risque de fragiliser le secteur de la magistrature. Il mit encore l'accent sur la nécessité de procéder à une vraie réforme de ce secteur en intervenant par des lois, permettant de mieux répondre aux objectifs de la Révolution ».
A qui profitent les atermoiements inutiles ?
En fait il n'y a pas pour le moment une stratégie globale permettant de consolider une Justice transitionnelle, par l'institution d'un certains nombre de mécanismes relatifs aussi bien au domaine politique, que social et économique. Il faut organiser à cet effet, des consultations de grande envergure en faisant participer le plus grand nombre possible des composantes de la société civile. Car, comme l'a fait remarquer le professeur Sameh Madouri dans sa brillante intervention au cours de ce colloque, le rôle de l'institution judiciaire est surtout de révéler la vérité, dans le cadre de la loi ». Mission O combien difficile, en l'absence d'une indépendance effective de la magistrature. Car, comme l'a judicieusement souligné le professeur précité le but de la Justice transitionnelle est de demander des comptes dans les affaires de corruption financière, politique ou administrative. Or d'un côté l'Assemblée Constituante semble être réticente à ce que l'instance de la Justice Transitionnelle voie le jour, alors qu'au sein du ministère de la Justice Transitionnelle, on est toujours au stade des atermoiements. Est-ce à dire que des deux côtés on se complaît dans cette situation ? Bien plus, certains ont même tendance à croire que ni l'Assemblée Constituante, ni le ministère ne sont conscients de l'urgence, d'une création de ladite instance ? Entre-temps, la nomination, l'avancement, la révocation des magistrats restent l'affaire du seul pourvoir exécutif. Provisoirement nous dit-on....en attendant Godot !