Une première dans l'histoire de la presse tunisienne, un média tunisien observe une grève générale réussie à 100%. Le 11 septembre 2012, et après l'échec des négociations entre le syndicat de base de Dar Assabah et le syndicat général de la culture et de l'Information de l'UGTT avec un membre du conseil d'administration et du directeur général de Dar Assabah, le personnel applique la grève générale annoncée le 29 aout 2012. Cette décision a été prise en commun accord entre syndicalistes et employés, comme dernier recours si jamais le gouvernement persiste.
Dar Assabah, le foyer du militantisme
Après avoir épuisé toutes les tentatives civiques et juridiques : motion, communiqué aux trois présidences, éditoriaux blancs, manifestations, en passant par les discussions avec le président de la République, le chargé de l'information auprès du Chef du gouvernement; la famille de Dar Assabah a observé une grève générale mardi 11 septembre. Une grève à laquelle se sont jointes des centaines de personnes représentantes de la société civile, politiciens, constituants, citoyens et syndicaliste.
Nous avons noté la présence massive de la presse internationale et locale. Des consoeurs et des confrères étaient venus en nombre pour couvrir la grève et exprimer leur soutien à la liberté de la presse et de son indépendance. La grève a commencé à 11 heures mais le personnel de Dar Assabah : journalistes, employés, techniciens et agents de l'impression étaient sur place depuis 8 heures du matin. On prépare les affiches, les banderoles et les slogans. On s'organise, on se met d'accord sur toutes les étapes à suivre et les décisions à prendre. Sur un commun accord, personne n'est mis à l'écart. Chacun a son mot à dire et tout est décidé après un accord de la part de tout le monde. Une seule voix, soudée, la famille de Dar Assabah, commence à recevoir ses invités.
Dar Assabah ou les prémices d'une révolution médiatique tunisienne
La grève qui a enregistré une réussite totale a montré au pouvoir que journalistes, citoyens, intellectuels, militants et activistes tiennent à ce que la Tunisie ait une presse libre, neutre et affranchie de toute appartenance politique. Cette lutte permanente entre média et pouvoir, l'un revendiquant sa place de 4ème pouvoir, de porte-parole du peuple, l'autre muselant la liberté d'expression et tentant de mettre sous sa coupe un média serviteur non pas du peuple mais du Pouvoir. En somme, une presse qui masquerait les défaillances et mentirait à l'opinion publique et leur ferait croire à la fameuse expression voltairienne : tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles !». La famille de Dar Assabah, ne l'entend pas de cette oreille et s'entête, persiste, persévère et résiste aux tentatives gouvernementales pour mettre la main sur la plus vieille institution indépendante de presse. La nomination du nouveau directeur à la tête du journal, la manière avec laquelle le gouvernement a procédé pour le faire, le limogeage de l'ancien directeur sans qu'il y ait de raison valable, le coup d'Etat qui a eu lieu au sein du conseil d'administration, tous autant de signes avant-coureurs qui mettent en péril l'indépendance de Dar Assabah et celle de la ligne éditoriale. Le personnel s'indigne et refuse catégoriquement ces décisions. Le ton monte. Un bras de fer patent entre le pouvoir et le personnel de Dar Assabah. La guerre est déclarée. Les uns militent pour une cause noble : le droit du Tunisien à l'information et la défense des intérêts des employés spoliés de leurs droits durant dix années au nom du « redressement ». Les autres préparent leur campagne préélectorale et la liberté d'expression dérange et menace leurs intérêts politiques. La solution : annoncer des chiffres erronées et annoncer une prétendue faillite de Dar Assabah, nuire à son image, la vendre au plus bas prix et s'assurer que, désormais, les journalistes, semblables à des vassaux, auront pour corvée : maquiller la réalité, masquer les failles et donner une image luisante du gouvernement. Dar Assabah poursuit sa lutte et croit en la cause qu'elle sert : la liberté de la plume et l'information authentique au lecteur sans fards ni fanfares. Le sit-in observé depuis plus de deux semaines, la grève générale, les manifestations sont les signes d'un ras-le-bol général et du refus qu'on politise l'institution ou que l'on fasse d'elle un terrain d'intérêts financiers ou de complots politiques. La révolution médiatique en Tunisie vient d'entamer sa première phase. Dar Assabah en est la pionnière et le personnel ne compte pas baisser les bras. Aux autres médias menacés de rejoindre la cause.