Dans le cadre d'une manifestation intitulée « Être noir-e dans la Verte », organisée par El Teatro tout au long du mois d'octobre, se tient une exposition de groupe intitulée « 1 PRO NOIR » qui réunit 70 œuvres créées par une bonne cinquantaine d'artistes, jeunes et moins jeunes, sous la houlette de Mohamed Chalbi, directeur de la Galerie Aire Libre. Cette exposition collective, dont le vernissage a eu lieu la semaine dernière, marque aussi l'ouverture de la nouvelle rentrée culturelle de l'espace El Teatro et se poursuit jusqu'au 29 octobre courant.
Il s'agit d'une improvisation plastique et visuelle sur le thème du « NOIR » en tant que couleur, mais aussi en tant que race humaine, « les Noirs ». Cette exposition diversifiée rejoint d'ailleurs le thème autour duquel s'articulait la pièce théâtrale représentée jeudi dernier sur les planches d'El Teatro qui avait pour titre « Cherche Saâdia désespérément », traitant des Noirs en Tunisie. Le visiteur est frappé du premier coup de la prédominance de la couleur noire qui caractérise la quasi-totalité des œuvres, quoique les genres, les techniques, les matières et les supports soient différents.
Qu'il s'agisse de peinture, de sculpture, de photo ou de dessin, la couleur noire est omniprésente, dans toutes ses nuances, pour exprimer un point de vue, un sentiment, une vision ou une réaction de la part de chacun des artistes envers la réalité, l'actualité : notre actualité.
Le recours au « noir » est sans doute voulu par ces artistes qui veulent peut-être faire surgir la lumière à partir du sombre, de l'obscur, des ténèbres. D'ailleurs, la blancheur et la clarté se perçoivent et se distinguent toujours par rapport au « noir ». De même, la couleur noire appliquée sur les toiles donne parfois des reflets éclatants aux objets ou aux personnages peints ou sculptés. Comme on peut le noter dans l'œuvre de Zoubeida Chammari qui porte le titre de « Lumières dans les ténèbres ». Ici, le noir n'est donc pas fortuit ni superflu. Il n'est pas non plus synonyme de chagrin, de tristesse ou de mélancolie, il donne plutôt à réfléchir sur les points noirs dans notre vie, dans notre société. Et plus explicitement, c'est une approche plastique sur la situation des Noirs en Tunisie ! Une exposition qui traduit les problèmes des Noirs, notamment la femme noire en Tunisie, d'où le titre de cette manifestation « Etre noir-e dans la Verte », un appel à la tolérance et à l'ouverture vers l'autre.
Les œuvres sont si nombreuses et si diverses qu'il faudrait faire plusieurs tours pour décortiquer chacune d'elles et d'en trouver le sens, quoique chacun soit libre dans son interprétation et ses commentaires. Mais le visiteur est attiré d'abord par ces trois photos collées au sol représentant un enfant noir mettant sa main sur la figure. Serait-ce par honte, par peur ou par timidité ? Seul le photographe Lotfi Ghariani, auteur de ces trois photos numériques, est capable de répondre à cette question. Sur les murs sont accrochées les différentes œuvres plastiques où les genres (peinture, dessins, sculpture et infographie) et les techniques (huile, crayon, acrylique...) cohabitent et s'harmonisent dans une palette unique : le noir. Voici Alia Kateb avec ses deux toiles aux techniques mixtes, intitulées respectivement « Mise à mort » et « Cri de détresse », où l'artiste aborde le sujet de la violence et du viol, allusion faite au cas de la jeune fille agressée et violée récemment par deux policiers, en lançant un S.O.S pour dénoncer cet acte horrible.
Michel Gliberti attire l'attention avec son portrait fait à l'huile d'un homme noir qu'il a intitulé « Silence noir ». Mohamed Chelbi nous impressionne avec ses deux peintures à huile, « D'une cage à une autre » et « Portrait au noir ». Mais aussi la photographie, la sculpture et la gravure sont abondantes dans cette exposition éclectique. D'ailleurs, le vocable « noir » est très récurrent dans les titres attribués aux différentes œuvres. Pour ne citer que quelques exemples, il y a « Noir...mais pas trop » de Nadia Dhab, la triptyque photo « Black and wight » de Lilia El Golli, « Seule dans le noir » de Fatma et Emna Elloumi, « Le rouge et le noir » de Souha Ben Slama, « L'ange noir » , acrylique sur bois de Fatma Amara, « Idées noires », un graphisme de Anis Ben Chaâbane, « Danse noire », une photo numérique de Soufiene Ben Youssef, « Veuve noire », une sculpture du duo Selma Hajji et Arij Jebali et on y trouve même un assemblage de peau « Le mouton noir » de Rouma Belhiba et d'autres encore vantant la couleur noire.