« Poète, prends ton luth et donne-moi un baiser » avait demandé la Muse au romantique Alfred de Musset. Près de deux siècles plus tard, ce vers, extrait de la « Nuit de mai », aurait pu s'inscrire en épigraphe ou aurait été une prière formulée par l'assistance lors du concert de Hugues Navez, le mercredi 17 octobre dernier à l'Acropolium de Carthage. Avec le concours de la délégation Wallonie-Bruxelles, la 19ème édition de l'Octobre musical a vu se produire, un musicien-poète dont l'unique compagnon est une guitare à dix cordes. Dans le silence de la nuit, Hugues Navez a conjugué l'élégance à l'excellence pour le plaisir des mélomanes... Avec un programme axé principalement sur des œuvres baroques, le temps de la soirée a été donné dès les premières notes. La place fut accordée à l'exubérance et la douceur, à la puissance et à la sérénité. Un mélange savant entre deux tendances qui a maintenu en haleine le public avec le son particulier de la guitare à dix cordes. En effet, peu commune, la guitare à dix cordes a été peu utilisée depuis sa naissance au XVIème siècle. Elle fut modifiée et son usage a connu son apothéose à partir de la deuxième moitié du XXème siècle. Sur la scène de l'Acropolium, l'instrument a suscité l'attention et les explications de Hugues Navez sur l'invention, sur les compositions et les adaptations de partitions classiques à l'instrument ont permis aux convives d'apprécier à sa juste valeur la guitare à dix cordes. Le jeu, quant à lui, était une affaire d'affinité entre le musicien et son « compagnon », le musicien et son public. En effet, le guitariste a frôlé les cordes, les a caressées et les a pincées avec émotion faisant s'élever les notes pour les voir s'évanouir au creux de l'oreille du spectateur. Dans cette entreprise, l'artiste et l'instrument se sont confondus. La sensibilité du musicien a imprégné la manière de jouer. Les mouvements des diverses compositions traduisaient le génie de l'artiste et faisaient entrevoir en filigrane toute sa sensibilité dictée par l'amour de l'instrument d'une part et par l'amour de la musique d'autre part. Si la guitare est un petit orchestre comme l'expliquait Berlioz, lors du concert du mercredi dernier, Hugues Navez en était le chef. Avec doigtée, il a mené la danse, il a réussi le challenge de happer toute l'attention de l'auditoire. Seul sur scène en compagnie de sa guitare, il a fait vibrer les cordes et les âmes, il a enveloppé la salle de cette émotivité singulière que seul le murmure des cordes est apte à conférer. De la guitare, Hugues Navez en fait une muse se muant lui-même en poète. Un trouvère ou un troubadour des temps modernes qui porte dans ses bagages les plus belles danses et ballades comme autant de charmes destinées à ravir le cœur et à adoucir l'esprit. Samy Strasunas dira de la guitare de l'artiste : « Exubérante ou sereine, joyeuse ou complice, sa guitare est toujours chargée d'émotion. » Cette émotion communicative dont seul un virtuose est le détendeur de son secret. Sur la colline de Carthage, Hugues Navez a offert une soirée faite de rêveries et de songes. Une soirée où l'âme s'est apaisée le temps d'une merveilleuse interprétation dont le souvenir persistera dans les archives de l'Octobre musical...