Le tribunal administratif vient de décider la suspension des primes allouées aux membres de la Constituante, en attendant la réunion d'éléments tangibles en vue d'une étude de la question sur le fond. Cette décision a été prise suite à la procédure engagée par Neji Baccouche avocat et rapporteur général au sein de la commission nationale d'investigations qui estimait ces primes exorbitantes et ne répondant pas de ce fait au principe de la légitimité. Au lendemain de la révolution française l'Assemblée Constituante de 1790 interdisait à ses membres d'accepter du gouvernement aucune place, aucun don aucune prime , pension, traitement ou emploi, et il était stipulé dans la Convention de 1793 que les représentants du peuple sont à chaque instant comptables à la nation de l'état de leur fortune. C'est dire la noblesse de la mission, dont ils ont été chargés par le peuple.
Indemnité parlementaire prime et intérêt public
Le fondement de l'indemnité attribuée aux représentants du peuple est d'empêcher que ces hommes les plus dévoués aux intérêts publics y soient détournés pour des considérations pécuniaires. Après tout, ils ont des besoins comme tous les humains, et à ce titre il est tout à fait légitime qu'ils soient assurés d'une compensation pendant l'exercice de leur mandat. En Tunisie, depuis que la chambre des députés a été instituée, des primes étaient attribuées aux élus du peuple en sus de leur indemnités fixes pour l'effort supplémentaire qu'ils seraient appelés à fournir, bien qu'à l'époque, ils jouaient plutôt le rôle de parade ne faisant qu'entériner les directives qui leur étaient dictées par le chef de l'exécutif. Aussi les représentants du peuple sous Bourguiba ou de l'Assemblée étaient plutôt les représentants du parti au pouvoir.
Elus de la Constituante indemnités spécifiques et primes
Le principe de l'attribution d'une indemnité aux élus de la Constituante était attribué en vertu du règlement intérieur fixant le taux de ces indemnités, aussi bien pour son président, que pour tous ses membres. En outre une indemnité particulière a été allouée aux vice-présidents, représentant les circonscriptions électorales à l'étranger et ce par arrêté du président de la Constituante en date du 21 juillet 2012. Cette indemnité mensuelle a été fixée à 7.464, 600 DT, soumise à la retenue au titre des cotisations aux régimes de retraites, ainsi qu'une indemnité compensatrice des frais relatifs aux attributions parlementaires fixée à 3.326,400 DT. En outre certains avantages en nature dont la voiture de fonction avec des bons pour 200 litres par mois de carburant Quant aux indemnités attribuées aux deux vice-présidents représentant les circonscriptions électorales à l'étranger, elles sont fixées à 3770 dinars, pour chacun. Des primes leur sont également accordées en numéraire, et ce au vu des efforts qu'ils sont en train de fournir. Sachant en outre qu'au début du mois d'octobre 113 élus ont présenté un projet de loi leur permettant de toucher une indemnité de retraite ou un salaire mensuel après la fin des travaux de l'assemblée, projet qui n'a pas encore été voté bien entendu. Ce fut la goutte qui a fait déborder le vase et a incité l'avocat et l'ancien doyen de la faculté de Sfax à engager une telle procédure. Il estimait en effet que les indemnités allouées aux élus étaient contraires aux principes constitutionnels de probité et d'abnégation, notamment dans la conjoncture de crise économique que traverse le pays.
Prime et principe de légitimité
La procédure a été engagée par Néji Baccouche en vue de suspendre les primes aux membres de la Constituante, sur la base de la légitimité d'une part et des quantum des indemnités jugés exorbitants d'autre part. La légitimité impose que l'attribution de ces primes soit faite en vertu d'un décret-loi voté par tous les membres de la Constituante, et non par la seule décision de son président , comme ce fut le cas en l'occurrence. A cela ce dernier rétorque qu'il a agi en vertu du règlement intérieur de l'ANC, qui lui donne le droit de prendre des décisions en la matière, et après délibération avec les membres de l'Assemblée. Quant au montant de cette prime il est fixé en fonction des besoins des élus à titre de compensation pendant l'exercice de leur mandat. Selon certains élus, ces primes ne répondent même pas aux besoins de certains d'entre eux qui se trouvent dans l'obligation de débourser de leur propres deniers, pour mener à bien la mission pour laquelle ils ont été mandatés par le peuple. C'est le cas notamment des représentants des circonscriptions électorales à l'étranger, soutiennent-ils. Une décision provisoire et aléatoire
La décision du tribunal administratif de suspendre lesdites primes est-elle préjudiciable aux membres de la constituante ?
La question se pose d'autant plus que cette décision est applicable immédiatement, en attendant l'examen du dossier sur le fond. Ce qui prendra du temps en vue d'une étude approfondie et fiable, concernant le montant des primes et également leur opportunité. Certaines primes peuvent s'avérer être inutiles. Qui est responsable d'un tel gâchis ? Autant de questions qui pourraient nuire à l'image de marque des élus, censés représenter le peuple et être les garants de l'intérêt national. Et c'est dans ce sens que la décision du tribunal pourrait être préjudiciable aux députés. Car l'enjeu est plus moral que matériel, la cupidité étant la cause de tous els vices. En attendant, un recours est toujours possible, en annulation de cette décision, par le plus diligent.