Pour beaucoup, le concert du dimanche 21 octobre dernier était le concert des retrouvailles car l'artiste qui s'est produite sur la scène de la 19ème édition de l'Octobre musical est certes canadienne mais est également une tunisienne de cœur. En effet, Milena Trifonova était professeur de piano pendant plusieurs années en Tunisie. L'Ambassade du Canada en Tunisie et l'Acropolium de Carthage ont permis à Milena Trifonova de renouer les liens avec la scène tunisienne et aux mélomanes, anciens collègues ou élèves de la pianiste ou des anonymes, de retrouver une artiste de grand talent...
« Ah, vous dirai-je, maman » était une des pièces qui composait le programme de la soirée. Pour reprendre ce titre, « ah, que vous-dirai-je, lecteurs » du concert de Milena Trifonova ? Tout simplement que c'était du grand art, une invitation à un voyage mélodieux à travers une sensibilité accrue et un doigté juste. L'artiste a su rendre chaque mouvement exécuté un moment de pur bonheur. Sous ses doigts, ont défilé Fantaisie, deux Sonates et différentes variations de « Ah, vous dirai-je, maman » de Wolfgang Amadeus Mozart et deux préludes de Sergueï Rachmaninov, des pièces qui ont constitué la première partie du concert.
La deuxième partie a été consacrée, quant à elle, au compositeur canadien André Mathieu. Un génie de la musique classique disparu à seulement 39 ans à qui Rachmaninov avait dit : « vous êtes le seul pouvant avoir la prétention d'être mon successeur », lorsque Mathieu remporta le premier prix du Concours de composition du 100ème anniversaire de l'Orchestre Philarmonique de New York. Milena Trifonova a fait revivre l'œuvre d'André Mathieu à travers des compositions datant de la prime jeunesse ou bien plus tard. Naturellement, l'artiste avait débuté la seconde partie par des œuvres composées par Mathieu l'enfant. Intitulées « Cloches », « Tristesse », « Dans la nuit » et « Abeilles piquantes », ses pièces ont été écrites à l'âge de cinq ans (rappelant le génie de Mozart), puis ce sont « l'Hommage à Mozart enfant », « Prélude Romantique », « Laurentienne » et « Concerto de Québec » qui ont été exécutées avec une acuité technique et une sensibilité émotionnelle suscitant intérêt et admiration.
Milena Trifonova a placé le concert sous le signe de l'excellence tant au niveau du choix du programme que dans le jeu lui-même. Et comment finir le concert sans une note de fantaisie ? Puisque pour le titre du rappel, la pianiste avait annoncé que comme elle avait commencé avec Mozart, elle terminerait avec du Mozart. Jusque-là rien d'inhabituel, mais la surprise était sa requête à l'adresse de ces anciens collègues ou élèves. Elle demanda à l'un d'eux de la rejoindre sur scène pour une sonate à quatre mains. C'est le pianiste Mehdi Trabelsi qui a répondu à l'appel de son ancien professeur. Ce duo improvisé a été la touche fantaisiste et brillante qui a scellé la fin du concert.
Du concert de Milena Trifonova, les archives de l'Octobre musical garderont, le passage d'une artiste à fleur de peau et un programme axé sur l'excellence. A travers Mozart, Rachmaninov et Mathieu, ce sont trois générations de compositeurs qui ont été confrontées et conciliées sous les doigts d'une pianiste attachante, au doigté ingénieux dont le credo serait l'amour du piano...