La semaine tant redoutée et attendue par les Tunisiens est bien là. Elle s'annonce haute en couleurs. Hier, le lundi 22 octobre, était une journée assez mouvementée en Tunisie. Une Tunisie tiraillée depuis quelques mois par les clivages politiques et idéologiques. La course au pouvoir a divisé le peuple tunisien et en a fait une marionnette entre les acteurs politiques. Le citoyen ne sait plus à quel saint se vouer. On en arrive aux meurtres. La violence politique est née.
Les Tunisiens, connus par être des citoyens pacifistes, sont aujourd'hui interloqués par cette vague croissante de violence physique et verbale que ce soit dans la rue entre les différents sympathisants de partis ou entre politiciens sur les plateaux télévisés. Résultats des courses : une première victime politique sur lequel certains tentent de faire diversion et d'autres de mettre de l'huile sur le feu. De quoi alimenter la haine.
Indignés, les partis politiques de l'Opposition appellent à une grande marche pacifiste le lundi 22 octobre pour crier «Non à la violence politique et à la légitimité inconditionnelle».
Une marche des sympathisants de l'Opposition
La marche a commencé à 13h. Le point de rassemblement était devant la statue d'Ibn Khaldoun. Le drapeau tunisien mêlé à ceux du Parti Républicain, de Nida Tounes, du Massar et du Front populaire.
Du côté de la grande horloge, l'accès aux véhicules était interdit. Une présence policière massive et patente régnait sur les grandes artères du centre ville. Les fils barbelés rehaussés sur des barrages, encerclaient le ministère de l'Intérieur. Policiers civils, en tenue ninja ou autres, police routière, armée et Garde nationale. Tout ce beau monde était sur le qui-vive.
La procession a commencé. A la tête de la marche, plusieurs figures politiques de l'Opposition connues en étaient,
Dans les trois mille personnes ont investi l'Avenue Habib Bourguiba. Plutôt sympathisants des trois partis politiques qui ont organisé la marche pacifique, les présents ont scandé à maintes reprises l'hymne national au fur et à mesure qu'ils avançaient encerclés par des rangées de policiers et une présence médiatique tunisienne et étrangère importante.
Des slogans affichés appelaient à la cessation des violences politiques, à la dissolution des comités de défense de la révolution, à la démission du ministre de l'Intérieur, à la neutralité du ministère de l'intérieur et la chute du gouvernement actuel. La quasi-totalité des manifestants étaient plutôt les sympathisants des partis qui ont organisé la marche.
«C'est décevant qu'il en soit ainsi. On aurait aimé que le commun du peuple descende dans la rue pour dénoncer la violence politique et non pas uniquement des partisans de tel ou tel parti. Tous les Tunisiens devraient prendre conscience du danger qui plane sur leur sécurité. Nous sommes tous concernés ! On devrait tous appeler à la paix ! », nous confia l'un des rares manifestants qui était là comme indépendant.
Absence ambigüe de la Troïka
Cette marche appelant à la paix et à la tolérance politique a été marquée par l'absence de plusieurs partis politiques entre autres de ceux qui détiennent le pouvoir pour l'instant.
Ce qui était encore plus étonnant c'est que ce sont uniquement certains partis de l'Opposition qui sont sortis appeler à la dénonciation de la violence politique. «Pour nous, l'absence des partis au pouvoir parmi nous à cette marche, ne peut s'expliquer que par le fait qu'ils soient ou bien inconscients ou bien complices de cette violence politique qui a couté la vie à un père de famille !», s'indigna une dame.
Certes, la manifestation s'est parfaitement bien déroulée sans incident notoire. Les manifestants se voulaient messagers de la paix et dénonciateurs de toute forme de violence ou d'intimidation ont été coopératifs avec les forces de l'ordre.
Néanmoins, parmi eux, quelques personnes assistaient amusés par les raisons de la marche. Elles critiquaient l'Opposition l'accusant d'incitation à la haine. Quelques jeunes journalistes ont eu quelques altercations avec ces petits groupes de badauds qui s'amusaient à leur demander : «Où étiez-vous du temps de Ben Ali ?» pour rajouter : «Vous verrez, on ne vous laissera pas achever tranquillement votre marche ! ». L'on entendait, notamment : «Ce beau monde veut que la femme avilisse l'homme et en fasse sa marionnette.».
La marche a continué son chemin vers l'horloge pour s'orienter vers la Place des Droits de l'Homme, endroit emblématique pour signer le droit de tout un chacun à la sécurité et à la vie digne. Plusieurs banderoles affichaient le portrait du regretté Lotfi Nagadh, première victime de la violence politique, qui a succombé à ses blessures pour son appartenance politique à Nida Tounes.