Les opposants au gaz de schiste ne désarment pas. Après avoir organisé un rassemblement de protestation, le 9 octobre dernier, devant l'Assemblée Nationale Constituante (ANC) pour tenter de sensibiliser les élus aux dangers que présente l'exploitation de ce gaz, ils ont donné de nouveau de la voix hier en organisant une manifestation devant le ministère de l'Industrie. Plus d'une centaine de membres d'associations, dont AgriEcoForest Tunisie (AEFT) et l'Association Tunisienne de la Transparence dans l'Energie et les Mine, ainsi que des membres de partis d'opposition et des élus à l'ANC ont protesté contre la décision du ministère de l'Industrie d'attribuer prochainement une autorisation de l'extraction et l'exploitation du gaz de schiste à la société Shell. Les manifestants parmi lesquels figuraient des dirigeants de partis politiques , dont Hamma Hammami ( Parti des Travailleurs) et Ahmed Brahim ( La Voie Démocratique et Sociale/ Al-Massar) ont dénoncé les “risques environnementaux et sanitaires" liés à l'exploitation du gaz de schiste". “ Est-il halal de tuer nos enfants au gaz de schiste?"; “gaz de shiste= la mort", “Mme Mamia El Banna ( ministre de l'Environnement , NDLR), pour quoi êtes vous silencieuse face à une catastrophe environnementale annaoncé?" peut-on notamment lire sur les pancartes scandées par les manifestants.
Gaz non-conventionnel
Des protestataires écologistes ont appelé l'Assemblée nationale constituante à auditionner le ministre de l'Industrie, Mohamed Lamine Chakhari, et le ministre de l'Environnement, Mamia El Banna, au sujet de la licence qui devrait être accordée à Shell. Ils ont aussi plaidé pour la constitution d'une commission d'experts indépendants pour étudier l'impact écologique de l'exploitation du gaz de schiste. “ Le Code des hydrocarbures ne prévoit pas l'octroi de licences d'expoloitation de gaz de schiste qui est un carburant non-conventionnel. Il faudrait commencer par réaménager le cadre légal et former les compétences afin d'assurer des garanties contre les dangers sanitaires et environnementaux importants d'un tel projet", précise l'expert en énergie, Ridha Maâmoun. “ Le gouvernement ne doit pas penser à la mobilisation d'importantes ressources financières aux dépens de l'avenir du pays et des générations futures"", renchérit de son côté le secrétaire général du Parti des travailleurs, Hamma Hammami. Dans une interview accordée , le 2 novembre, au journal “Le Maghreb" , le ministre de l'Industrie Mohamed Lamine Chakhari avait révélé que «le gouvernement envisage d'accorder une autorisation pour l'exploitation du gaz de schiste dans la région de Kairouan très prochainement». Il a noté que “la commission technique mise en place à cet effet a émis un avis favorable au projet , tout en posant des conditions qui prennent en compte l'intérêt du pays, de l'environnement et des habitants de la région de Kairouan". M. Chakhari a indiqué au passage que “ les dangers prétendus du gaz de schiste ne sont que des rumeurs infondées".
Risques importants
L'exploitation d'un puits de gaz de schiste commence par une opération de forage, d'abord vertical, puis horizontal, pour atteindre la couche de schiste, généralement à une profondeur de 1 à 3 kilomètres. On procède ensuite à la fracturation de la couche de schiste par l'injection d'eau sous très forte pression, avec un mélange de sable et d'additifs chimiques. Cette pression fracture le schiste, une roche ayant acquis une structure feuilletée sous l'influence de contraintes tectoniques, et libère les gaz emprisonnés dans la roche. Le gaz est projeté dans le puits à très haute pression, puis remonte à la surface avec les liquides de fracturation.C'est là que se trouve le principal risque de cette opération. Le gaz et le liquide contaminés peuvent migrer et contaminer les nappes phréatiques qui deviennent impropres à la consommation. Le mélange peut ensuite remonter par les puits artésiens et contaminer l'eau résidentielle. L'eau de fracturation est particilièrement polluée par les produits chimiques (acides, lubrifiants...). Elle collecte aussi à son passage dans le sous-sol métaux lourds (mercure, cadmium...), bactéries, voire des éléments radioactifs tels le radium, l'uranium, le radon, le thorium .Ces derniers éléments sont de redoutables agents cancérigènes pulmonaires chez l'homme.