L'Université tunisienne est-elle menacée davantage par la violence ? Risquerait-elle de perdre son statut en tant qu'institution de formation et d'encadrement, où l'on doit observer strictement ses règlements ? A priori c'est oui. Ces inquiétudes ont, bel et bien, été exprimées lors de la rencontre des doyens des facultés des Lettres, des Humanités et des Sciences Sociales tenue au cours de cette semaine à Sousse, où ils ont dénoncé l'attitude du ministère de tutelle qui fait la sourde oreille sur les dépassements enregistrés dans différents établissements. L'évaluation du premier trimestre n'était pas d'ailleurs, fameuse à cause « des dérives » commises par des étudiants et des parties bien déterminées. Conséquence : retard au niveau de la proclamation des résultats des commissions de recrutement et de promotion, refus de certains étudiants des résultats et des critères d'inscription en master, sit-in et blocage des cours dans quelques institutions...Face à cette situation, le ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique ne bronche pas. Ce silence radio a été dénoncé par les Doyens dans une déclaration rendue publique à l'issue de leur réunion. En pleines vacances, les étudiants profitent de ces jours de repos pour préparer leurs examens prévus très prochainement. Entre-temps, les premiers responsables des facultés des Lettres, des Humanités et des Sciences Sociales de Tunis, de La Manouba, de Sousse et de Sfax se sont réunis pour dresser le bilan des trois premiers mois de cours. Un bilan, négatif en terme de stabilité, et ce à cause des actes de violence enregistrés dans quelques établissements. Nul ne peut oublier ce qui s'est passé à la faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis au début de l'année universitaire, ou à l'Institut Supérieur des Sciences Humaines de Tunis (Ibn Charaf). Agression des étudiants, blocage des cours, interdiction aux professeurs d'exercer leur métier...ces quelques exemples donnent une idée sur la crise par laquelle passe l'Université tunisienne et surtout l'attitude adoptée par les autorités de tutelle. Une attitude marquée par un laxisme sans précédent. C'est ce qui a été d'ailleurs, soulevé par les doyens qui ont dénoncé « le silence et la marginalisation » de la part du ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique. Impact Cette politique adoptée depuis des mois a des répercussions négatives sur l'ambiance générale dans l'Université tunisienne. Dans ce cadre, les doyens ont exprimé leur inquiétude par rapport aux libertés académiques qui sont menacées davantage. Les premiers responsables affirment qu'ils « trouvent des difficultés à poursuivre leurs activités dans un climat pareil qui porte atteinte à leurs efforts et constitue une menace quotidienne pour leurs vies et leur sécurité personnelle ». Par ailleurs, ils mettent en cause l'indifférence du ministère et son refus d'engager un dialogue véritable et une réflexion concernant les difficultés rencontrées, sans pour autant exclure l'affaire de Habib Kazdaghli, Doyen de la faculté des lettres de la Manouba. Ils ont en fait, exprimé leur inquiétude quant au risque d'instrumentalisation politique du dossier qui tarde toujours à être résolu. A rappeler dans ce cadre que le procès du doyen de la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de la Manouba, reprendra le jeudi 3 janvier 2013 pour la quatrième fois depuis son démarrage le 5 juillet 2012 sur la base de l'accusation d'avoir violenté une étudiante portant le Niqab. Ce sujet a fait par ailleurs, l'objet d'un débat lors de la réunion des doyens qui ont dénoncé « les pressions et les violences perpétrées par des groupes d'extrémistes religieux tout au long de l'année dernière à l'encontre des enseignants, du doyen et des étudiants de la faculté des lettres de la Manouba ». Et s'ils ont exprimé leur confiance en l'indépendance de la justice, les doyens n'ont pas hésité à exprimer leur opinion quant au maintien de cette affaire jusqu'à cette période (la moitié de l'année universitaire). « C'est une menace pour les libertés académiques et une atteinte flagrante à l'autorité du doyen qui reste un symbole pour l'université et les universitaires », déclarent-ils. Mais seront-ils capables de protéger leur statut et l'image de l'Université face au silence du ministère ? Beaucoup reste à faire pour préserver l'Université tunisienne contre les vagues de violence et les tentatives de la changer. Conscients de ces menaces, les doyens ont un projet de création d'une association des doyens des facultés des lettres, des humanités et des sciences sociales. Elle aura comme mission d'assurer « le suivi des préoccupations pédagogiques et logistiques des établissements universitaires et la réflexion concernant les perspectives pour leurs diplômés ».