Nous avons remarqué, depuis jeudi dernier, que l'Avenue Habib Bourguiba s'est transformée en vaste atelier artistique et ce, pour commémorer le deuxième anniversaire de la Révolution. Il paraît que la « fête » va se poursuivre jusqu'au 14 janvier prochain avec un programme culturel encore plus varié. Le Ministère de la Culture a, semble-t-il, « mis le paquet » pour un baroud d'honneur avant le départ de M. Mehdi Mabrouk, que toutes les rumeurs excluent du prochain gouvernement. Cependant et quoi qu'il advienne de l'actuel Ministre, nous pensons que le meilleur cadeau d'anniversaire à présenter aux Tunisiens à cette occasion doit être bien plus original que ces mascarades de rues et ces carnavals ubuesques ; à la place il faudrait un cadeau qui soit à la mesure de l'affront essuyé par le Département de la culture lors de la répartition budgétaire de 2013 ! Nous proposons d'exposer par exemple une fresque géante montrant les intellectuels et les artistes tendre la manche dans des vêtements de gueux ! Sinon, une toile surréaliste représentant le Théâtre municipal de Tunis sous l'aspect de vestiges archéologiques pareille à celles de Carthage et de Dougga ! Ou alors un tableau qui montre une salle de cinéma fermée dont l'entrée est dissimulée par une énorme toile d'araignées. Les poètes seraient invités à une joute exceptionnelle pendant laquelle ils ne déclameraient que des éloges funèbres à la mémoire des sites culturels disparus ou en voie de disparition. Les chanteurs entonneraient des hymnes mortuaires en l'honneur des arts martyrisés sous nos cieux ; les auteurs dramatiques écriraient des tragédies pour narrer l'agonie du théâtre ; les sculpteurs érigeraient des stèles avec des épitaphes dessus pour pleurer leur propre mort et celle de leurs confrères calligraphes et graffiteurs ; les romanciers publieraient des livres sur le retour imminent de l'inquisition littéraire. On improvisera aussi un « restaurant du cœur » pour nourrir les S.D.F. de la culture en Tunisie, une collecte pour les troupes désespérées des subventions ministérielles, une autre pour les cinéastes désargentés et dont les sources d'inspiration s'assèchent facilement sans l'aide substantielle du Ministère, une troisième enfin au profit des maisons de la culture et des maisons de jeunes qui n'ont pas renouvelé leur équipement ni restauré leurs locaux depuis des décennies. Quant aux bibliothèques du pays, il faudrait songer à leur consacrer une oraison funèbre digne de leurs rayons poussiéreux et de leurs fonds de plus en plus appauvris! Nous l'avouons, un tel programme n'a rien de festif ! Force est néanmoins de reconnaître que 2013 n'annonce rien de réjouissant pour la culture en Tunisie ! A année morose donc, un anniversaire pas très rose ! C'est logique, non !