Vers la constitutionnalisation des droits économiques et sociaux ? La CGTT déplore le fait qu'elle ait été mise à l'écart Le Palais du Bardo a abrité hier matin, la signature du Contrat social entre le Gouvernement, l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) et l'Union Tunisienne du Commerce et de l'Artisanat (UTICA). Une cérémonie exceptionnelle s'est déroulée en présence du Directeur Général de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) Guy Ryder et de la ministre belge du Travail Monica De Connick. La signature de ce contrat a eu lieu en marge de la célébration du deuxième anniversaire de la Révolution. Est-ce le prélude à de nouvelles relations professionnelles et d'une décrispation définitive des rapports entre le Gouvernement et l'UGTT ? Désormais chaque partie saura à quoi s'en tenir. Le nouveau contrat social entre en vigueur dès la date de sa signature. Résultat de huit mois de travail, ce contrat comporte cinq chapitres : « la croissance économique et le développement régional », « les politiques de l'emploi et de la formation professionnelle », « les relations professionnelles et le travail décent », « la protection sociale », « l'institutionnalisation du dialogue social tripartite ». A part les principes généraux, ce contrat prévoit aussi la création d'un fonds d'assurance contre la perte de l'emploi. Ce n'est pas une assurance chômage classique, mais une véritable assurance financée par les partenaires sociaux qui protège le salarié. Houssine Abbassi, secrétaire général de l'UGTT, a déclaré que « la Tunisie a besoin de tous ses enfants de toutes les catégories sociales. Nous misons sur le contrat social pour qu'il soit un message clair pour tous, précisant que les Droits socio-économiques ainsi que le Droit syndical sont une garantie de stabilité sociale ». Il a appelé les membres de l'Assemblée National Constituante (ANC) à inclure ces droits dans la Constitution ». Ce sont des principes fondés sur la liberté, la démocratie et la citoyenneté avec interaction entre les dimensions économiques, sociales et environnementales. « Nous avons insisté sur le fait que le Droit syndical et surtout le Droit de grève font partie des Droits de l'Homme, sans lesquels on ne peut parler de dialogue social, ni du non retour de la dictature ». Dans son allocution à l'attention des travailleurs, Houssine Abbassi a affirmé que les slogans qui ont été scandés lors de la Révolution sont toujours d'actualité. Il s'agit du droit au travail, au développement, à la liberté et à la vie décente. Les relations professionnelles doivent être revues. « L'objectif de ce contrat, le premier dans l'histoire de la Tunisie moderne, est l'accord sur la nécessité d'un consensus autour d'un modèle de développement alternatif qui répond aux attentes et aspirations des travailleurs et qui doit se concrétiser dans les faits en un emploi décent et une protection sociale adéquate. Un modèle de développement qui jette les bases d'une économie solide, garantissant la solidarité et l'équilibre et assure la compétitivité de l'entreprise et sa pérennité. Le contrat signé est le fruit de plusieurs mois de négociations. Nous espérons bâtir mutuellement de nouvelles relations entre gouvernants et gouvernés dans le cadre d'un Pacte national clair reflétant un accord sur les principes et les valeurs communes, des différentes composantes de la société garantissant la participation de tous. Mustapha Ben Jâafar, président de l'ANC a affirmé que ce contrat social va instituer des rapports participatifs efficaces entre partenaires sociaux, grâce au consensus entre le gouvernement et les partenaires sociaux sur plusieurs orientations. La signature de cet accord n'a pas fait que des heureux. La Confédération générale tunisienne du travail (CGTT) se sentant frustré, s'empresse de dénoncer l'esprit d'exclusion qui la marginalise et voit en ce contrat social « un simple accord qui n'engage que ses signataires». Le syndicat dénonce la mentalité «d'exclusion et de suprématie». Le syndicat précise que ce nouveau contrat a été préparé en cercle restreint entre les représentants du gouvernement, de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) et du patronat (UTICA) sans être soumis à la discussion. «Pourtant, cette initiative aurait pu constituer un important tournant dans l'histoire de la Tunisie, un véritable contrat social devant permettre la réalisation des objectifs de la révolution», estime la CGTT. Elle exprime également son étonnement de l'indifférence affichée par l'autorité politique et ses partenaires face au nouveau contexte politique et syndical dans le pays. En dépit des critiques de la Confédération Générale du Tunisienne du Travail (CGTT) et de l'Union des Travailleurs de Tunisie (UTT), ce contrat social est une importante opportunité à saisir pour mettre en évidence l'importance du dialogue social comme véritable pilier d'une transition démocratique vers plus de justice sociale. Il confirme, aussi, le rôle de pivot de l'UGTT dans la construction d'une nouvelle Tunisie. Les douloureux évènements vécus le 4 décembre dernier où des milices avaient investi la place Mohamed Ali pour violenter des syndicalistes après avoir auparavant agressé des journalistes, des femmes, des militants des droits de l ́homme et des dirigeants de partis politique de l'opposition, doivent toujours nous rappeler l'importance de ce contrat qui régira dorénavant les rapports entre tous les partenaires sociaux et sa nécessaire mise en œuvre. C'est un pas important pour la transition démocratique en Tunisie et devrait servir d'exemple pour d'autre pays du monde arabe où le dialogue social n'est pas de coutume.