Nul ne peut nier que la presse fait l'objet d'une pression accrue ces derniers jours. Interdiction aux journalistes de circuler librement dans les couloirs de l'ANC, suite à une décision prise par Mahrzia Labidi, vice-présidente de l'ANC, agression des journalistes sur les lieux du travail, comparussions devant les juges d'instruction à cause de publication de reportages et/ou d'enquêtes. Ce constat est bel et bien confirmé par les acteurs dans le domaine et les observateurs qui ne cessent de dénoncer les dépassements dans des communiqués rendus publics et ce, à l'instar de l'Unité d'Observation et de Documentation des Agressions contre les Médias en Tunisie au sein du Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse. Ce n'est pas tout. Les militants dans le domaine ne lésinent pas sur les moyens pour attirer l'attention sur la situation de la presse après la Révolution et l'attitude du gouvernement provisoire qui mène jusque là un double discours. Des promesses ont été tenues en octobre dernier pour concrétiser le décret loi 116, c'est-à-dire la création de la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA). « Mais rien de cela n'a été réalisé », affirme Kamal Lâabidi, ex-président de l'Instance Nationale pour la Réforme de l'Information et de la Communication (INRIC) lors d'une conférence organisée par le Parti des Patriotes Démocrates. La rencontre était une occasion pour parler de « la presse et le pouvoir après la Révolution ». Deux pouvoirs qui n'arrivent pas à trouver encore un chemin d'entente en Tunisie de l'après Révolution à cause de la spécificité de chacun. L'un aspire à progresser dans une ambiante démocratique, où l'on respecte le principe de la liberté d'expression ; l'autre tente de diriger à sa guise ce secteur très délicat et qui reste quand même l'un des baromètres de la démocratie surtout en cette phase transitoire. Retard En fait, le retard de la création de la HAICA prévue pour le mois de décembre 2012, comme l'a annoncé le Président de la République, prouve que les acteurs politiques ne veulent pas laisser de côté leurs intérêts partisans. D'ailleurs, « c'est le mouvement Ennahdha qui ne cesse d'avoir recours au veto pour imposer son dictat et saborder par conséquent, la création de cette instance qui organise le secteur de l'audiovisuel », se désole l'attention Kamal Labidi lors de cette rencontre. Il ajoute dans ce contexte que cette situation « du vide arrange plusieurs parties qui en tirent profit ». « Cela leur permet d'exploiter abusivement le paysage audiovisuel », enchaîne l'ex-président de l'INRIC tout en annonçant que « le Président de la République a une responsabilité historique », d'où l'importance de l'assumer. Par ailleurs, Naji Boughouri ex-président du Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT) a annoncé que l'un des principaux acquis de la Révolution, « c'est la liberté d'expression » laquelle ne doit pas faire l'objet de surenchères ni de conditions. Pour ce faire, « il est indispensable de créer des instances régulatrices du secteur ce qui permettra également, de mettre un terme à l'intervention du pouvoir exécutif dans le domaine de la presse », appelle Naji Boughouri. Mieux encore, le syndicaliste considère que l'indépendance du secteur est tributaire de trois facteurs à savoir : des législations, des instances régulatrices indépendantes et une culture ou plutôt une conscience générale par rapport à l'importance de l'indépendance des médias et de la liberté d'expression. Instaurer une culture de respect des droits de l'Homme et de la liberté d'expression est un travail de longue haleine certes. Cela nécessite aussi une volonté politique et surtout un engagement de la part des décideurs au pouvoir qui se trouvent pris entre l'enclume et le marteau, entre le respect de l'un des droits fondamentaux et le souci du politique qui s'inquiète par rapport à son image auprès de l'électeur.