Alain Gomis s'est déclaré «ému» et «fier» d'avoir remporté l'Etalon d'or pour le Sénégal à la 23ème édition du Fespaco le 2 mars avec son film Tey - Aujourd'hui - loué par le jury pour sa «grâce cinématographique». Le cinéaste a reçu le trophée des mains de Blaise Compaoré, président de Burkina Faso. Visiblement ému, le bras tendu vers le ciel, sur fond de musique rock-chevaleresque et de feux d'artifices... C'est ainsi qu'Alain Gomis, 41 ans, a accueilli le prestigieux prix du plus grand festival panafricain de cinéma au stade du 4-Août de Ouagadougou : « Je suis fait de morceaux : la Guinée-Bissau, la France, le Sénégal » a-t-il déclaré, soulignant que « la richesse du cinéma africain d'aujourd'hui, c'est sa diversité. » Son compatriote et favori de la compétition, Moussa Touré, a dû se contenter de l'Etalon de bronze pour sa brillante épopée La Pirogue. L'Etalon d'argent a été attribué à Yema, brillamment raconté et interprété par Djamila Sahraoui. La réalisatrice algérienne montre le combat d'une mère, déchirée par l'histoire de sa famille maudite, évoquant ainsi l'histoire douloureuse de l'Algérie au temps des islamistes. Tey, l'Etalon d'or, démarre avec une beauté formelle incroyable. Deux yeux et une main posée sur le corps d'un défunt. Une séquence qui suffit pour créer l'univers du film. Les images respirent, nous soufflent la vie et la mort d'un autre. Le réalisateur y raconte le dernier jour de Satché, sans donner aux spectateurs la raison pour laquelle ce rayonnant jeune père de famille est dédié à la mort. Et, surtout, pourquoi il ne se révolte pas... Un magnifique enterrement qui célèbre la mort comme une fête de mariage. Tey d'Alain Gomis puise surtout sa force dans le jeu d'acteur incroyablement sensible et présent de Saul Williams, qui a reçu l'Etalon d'or pour la meilleure interprétation masculine. Des histoires de la décolonisation L'Etalon d'or de la meilleure actrice a été attribué à Mariam Ouédraogo, l'héroïne de Moi Zaphira, qui a reçu ce prix complètement inattendu avec des larmes et des cris de joie. Le film d'Apolline Traoré conte l'histoire d'une femme qui lutte pour réaliser ses rêves et traverse tous les heurts et malheurs de la société burkinabè. Quant au prochain rêve de Mariam Ouédraogo elle en a déjà une idée : « Pourquoi pas Hollywood ? » Ainsi s'est achevée, après huit jours et 101 films de 35 pays, la 23ème édition du Festival du cinéma panafricain d'Ouagadougou. C'était la première fois qu'un festival de cette ampleur réservait la présidence des jurys exclusivement à des femmes. Cette édition du Fespaco a été largement dominée par des histoires de la décolonisation et des conséquences, souvent désastreuses, des luttes pour les indépendances. Parmi les films absolument à retenir : Por aqui tudo bem de Pocas Pascoal, qui a reçu le prix de l'Union Européenne. La réalisatrice angolaise nous fait vivre avec une grande maîtrise l'épopée de deux jeunes sœurs angolaises fuyant la guerre civile d'Angola qui débarquent à Lisbonne en 1980. Autre découverte : Les Enfants de Troumaron, une œuvre dotée d'une tonalité très originale qui a reçu l'Etalon d'or du premier film, attribué à Harrikrisna et Sharvan Anenden. Les réalisateurs mauriciens mettent en très belle lumière un portrait de quatre jeunes sans avenir à Troumaron, un quartier défavorisé de la ville de Port-Louis, capitale de l'île Maurice. Le Fespaco 2013 était également marqué par un virulent débat technique. Les statuts exigent que tous les longs métrages en lice pour l'Etalon d'or soient copiés sur un format 35mm. Un format qui coûte cher, voire très cher : de 15 000 à 35 000 euros, en Afrique souvent le coût d'un petit film. Du coup, quatre des vingt films en compétition étaient, dès le début du festival, de facto exclu du palmarès. Et il restera la « Déclaration solennelle de Ouagadougou » qui donnait corps à cette notion très politique de cette 23ème édition dédiée au Cinéma africain et politiques publiques en Afrique. Une ambition affichée, mais pas encore financée : bâtir une force de frappe pour le cinéma africain. (RFI)