Il y a deux ans, à son retour à Tunis Rached Ghannouchi, faisait des déclarations rassérénantes sur la société civile et, particulièrement, sur les femmes. Nous écrivions d'ailleurs, ici, dans ce même espace de l'éditorial, que Cheïkh Rached n'était pas plus contre le niqab que le string puisqu'il déclarait dans sa toute première interview ( exclusivement accordée à notre journal) que les femmes pouvaient se vêtir comme elles l'entendaient. Hier, dans le fin fond d'un quartier populaire, il allait plus loin (lire notre reportage en page 2) déclarant ouvertement qu'il encourageait le leadership des femmes. Peut-être insinue-t-il que le gouvernement Laârayedh manque pour ainsi dire d'une touche féministe, mais il a quand même dans l'esprit que les femmes, toutes tendances confondues, sont formidablement énergiques au sein de l'ANC ? Le message est clair néanmoins : Ennahdha veut juguler le syndrome de la misogynie et ne serait-ce qu'au vu de cette déclaration d'intention, il conviendrait peut-être maintenant de faire preuve de pragmatisme et de dédiabolisation d'Ennahdha qui ne saurait prendre sur elle, par exemple, l'hérésie d'un certain Habib Ellouze. Depuis le cataclysme Jebali, Ennahdha a apporté de l'eau à son moulin. Le choix porté sur Ali Laârayedh pour diriger le nouveau gouvernement, alors que le Majless Echoura du parti cautionnait Noureddine Bhiri, procède aussi d'une vision réaliste du contexte socio-économique du pays. Parce que Ali Laârayedh est tout, sauf un fanatique, vertu qu'il partage d'ailleurs avec Hamadi Jebali. Si l'on doit accorder le préjugé favorable à Ali Laârayedh hormis la suspicion de l'opposition par ricochet nous serions inspirés de percevoir qu'Ennahdha soit capable d'évoluer, de se renouveler. Elle seule a des réponses au délire des Salafistes. Et elle seule pourra tempérer les fureurs iconoclastes des Ligues de protection de la Révolution. Sans doute ne renoncera-t-elle pas à islamiser le pays et la démocratie. C'est dans la logique des choses. Mais déjà elle lance des signaux envers la société civile et s'apprête à changer son fusil d'épaule. En tous les cas, elle n'a pas le choix, parce que désormais, le double langage ne prendra plus et que le 6e califat ne pourra se réaliser en Tunisie.