Un collectif baptisé « Nafass »(Souffle), composé de journalistes et d'artistes, adeptes de la non-violence et de la liberté, organiseront aujourd'hui, dimanche 17 mars un lâcher de 1000 ballons à l'occasion du 40ème jour de l'assassinat de Chokri Belaïd sur l'esplanade d'El Menzah VI. Cette opération a pour but de conserver en mémoire le martyr de la nation qui a toujours milité pour la liberté et la non-violence. Ces ballons qui seront lâchés à la même heure dans plusieurs villes tunisiennes et étrangères, constituent un appel d'indignation et de protestation contre toutes les formes de violence. Nous avons rencontré Hamma Hannachi, membre du Collectif et initiateur de cette opération qui nous a accordé cet entretien : Le Temps : Comment vous est venue l'idée d'organiser cette opération ? Hamma Hannachi : Cette initiative s'inscrit dans la commémoration du 40ème jour de l'assassinat de Chokri Belaïd. C'est une initiative qui vient de moi-même d'abord, à laquelle j'ai inclus Olfa Ben Hassine qui est journaliste à La Presse, des artistes et des membres de la société civile. Nous avons constitué un Collectif qu'on a appelé « Nafass » (Souffle) * Pourquoi « Souffle » ? - On a choisi dans cette opération de lâcher des ballons. Qui dit ballon dit souffler dans un ballon. Il s'agit d'un message envoyé à celui qui est parti en haut, à savoir Chokri Belaïd. C'est pour lui dire que notre souffle volera très haut dans le ciel pour l'atteindre et le réconforter et pour dire à Chokri que tout le monde ici-bas communiquera avec toi par ce souffle inclus dans ces ballons de la liberté. En d'autres termes, c'est donner de son souffle, un côté de soi, de ses poumons, de son corps pour qu'il aille dans le ciel donner le peu de gratitude à celui qui a symbolisé la liberté, à celui qui a toujours défendu les journalistes et la liberté d'expression. * Comment va se dérouler exactement cette opération ? -Il s'agit donc de 1000 ballons de la couleur du drapeau national, rouge et blanc, sur lesquels est imprimée la photo du martyr Chokri Belaïd. Ces ballons vont être lâchés à midi pile. Les premiers ballons vont être lâchés par sa veuve et ses enfants. Mais l'opération s'étendit sur d'autres villes tunisiennes et étrangères qui se sont alliées à l'événement. Nous citons, entre autre, Tela, Le Kef, Kasserine, Sidi Bouzid, Djerba ; et des villes étrangères comme Marseille, Paris, Berlin, Genève ... Les citoyens de ces villes vont lâcher à la même heure des ballons de la liberté. Cette scène sera suivie par un spectacle musical réalisé par un quatuor de musiciens à cordes de l'Institut Supérieur de Musique : deux violonistes, un altiste et un violoncelliste qui entonneront l'hymne national et joueront par la suite l'Hymne à la Joie de Beethoven, qui est inspiré du poème de Schiller « l'Ode à la Joie ». * Cette manifestation a une dimension internationale, mais aussi culturelle et artistique ? - Oui, en effet. L'opération est à la limite de l'artistique et du geste citoyen. Le choix des ballons est historiquement et artistiquement pertinent dans la mesure où il y a eu dans l'histoire de l'art les « Balloons of Jeff Koons », artiste américain de l'art contemporain qui s'est illustré dans la création des ballons et dont l'art est reconnu mondialement... Ses « Rabbits balloons » et ses « Dogs balloons » s'achètent à des millions de dollars par les collectionneurs; son art est reconnu mondialement. Donc, le ballon a son histoire dans l'art. Pour moi, le ballon adressé à Chokri Belaïd incarne avant tout le souffle ! Le souffle de tout le monde, de toute la société civile. Ce geste de lâcher des ballons est inévitable ; c'est un devoir pour nous, Tunisiens, qui aspirons à la liberté. J'ajouterai que cette initiative a été spontanée et témoigne de notre devoir de reconnaître l'œuvre de Chokri Belaïd ! Le jour où ce Collectif s'essouffle, c'est qu'il na plus rien à dire ! Entretien réalisé par :