Les pontifes de la magistrature ont dans un communiqué officiel aux médias, dénoncé énergiquement et inconditionnellement, la participation de membres étrangers au domaine de la magistrature, au sein de l'instance provisoire de la magistrature. Il s'agit du premier président de la cour de cassation, du procureur général près la même cour,du procureur général, directeur des services judiciaires, de l'inspecteur général au ministère de la Justice, du président du tribunal immobilier, du premier président de la cour d'appel de Tunis, et du procureur général près la même cour. Cette dénonciation, affirment-ils est dans le but de mettre le secteur de la magistrature à l'abri des tiraillements politiques. Allégeance à la loi et rien d'autre que la loi L'attitude de ces hauts magistrats n'a fait que consolider celles du syndicat et de l'association des magistrats tunisiens, qui ont observé une grève générale dans tous les tribunaux, laquelle a été suivie à 100% selon les organisations des magistrats précités. La composition de l'instance provisoire doit-elle ne comprendre que des magistrats ? Pour les magistrats contestataires, il est impératif que ladite instance ne doive pas comprendre des éléments extérieurs au monde de la magistrature, notamment parmi ceux qui sont désignés par l'exécutif et le législatif. Cela constituerait une entrave à l'indépendance de la magistrature, pour cause d'allégeance à l'exécutif. C'est une allégeance éventuelle, voire potentielle, du membre nommé à celui qui l'a choisi. Ce qui entraînerait nécessairement des tiraillements politiques entre les membres de ladite instance. C'est la raison pour laquelle, les hauts magistrats concernés tirent la sonnette d'alarme afin de mettre en garde contre tout ce qui constituerait une entrave à la poursuite du service de la Justice. L'autre son de cloche : « la Justice ne doit pas s'enfermer dans une bulle hermétique ». Bien que la plupart des magistrats aient suivi la grève partout dans les tribunaux de la République, il n'en reste pas moins que certains magistrats et juristes ne sont pas contre la participation de membres autres que des magistrats au sein de l'instance de la magistrature. «L'instance doit s'ouvrir aux différentes composantes de la société civile » selon Ahmed Rahmouni, président de l'observatoire tunisien pour l'indépendance de la magistrature. Et d'ajouter que c'était le cas du conseil supérieur de la magistrature qui était constitué uniquement de magistrats et avait au sommet le président de la République et le ministre de la Justice. Ce qui ne peut que favoriser davantage la dictature » Le dilemme D'une part certains magistrats tels que Raoudha Laâbidi présidente du syndicat de la magistrature, déplorent l'ingérence d'éléments étrangers dans les affaires des magistrats, au sein de cette instance compétente pour tout ce qui touche au domaine des magistrats. « Il est inconcevable qu'un élément étranger à la magistrature puisse intervenir dans la nomination, l'avancement ou la discipline des magistrats. » fait remarquer Raoudha Laâbidi. Par contre, d'autres magistrats dont Ahmed Rahmouni président de l'OTIM, estiment que le fait d'ouvrir l'instance à la réflexion et aux opinions d'autres corps de métiers, ne peut que garantir davantage l'indépendance de la Justice. Il y a bien des tribunaux composés de commerçants ou de personnes appartenant à d'autres corps de métiers, dans certains tribunaux spécialisés. C'est le cas par exemple du conseil de prud'hommes, compétent dans les litiges de travail. C'est le cas en France, en matière criminelle, la cour étant composée de jurés outre les juges de fonctions. Ces jurés sont choisis dans n'importe quel corps de métier. En l'occurrence, et concernant l'instance provisoire de la magistrature, c'est d'une ouverture à bon escient qu'il s'agit , afin de faire participer toutes les composantes de la société civile à l'élaboration d'une justice qui sert l'intérêt général, le magistrat n'étant au final, qu'un membre de cette société.