Dans les vraies démocraties et pour bien moins que les prodigalités verbales de Sihem Badi, des ministres et, même, des super-ministres, ont été limogés. Mais, déjà, qu'une motion de censure soit prise en compte par l'ANC, cela donne, quand même, à croire que les ministres de la Troïka ne jouissent pas d'un blanc-seing et qu'ils ne sauraient être absous de tous les péchés. Doit-on, néanmoins, croire que l'opposition réunira les 109 voix susceptibles de « destituer » Sihem Badi et mettant le chef du gouvernement en demeure de s'y conformer ? Très difficile. Car la Troïka se retrouve, s'unit ou se réunit en fonction de l'adversité. Ennahdha, le CPR et Ettakattol, feront logiquement - c'est de bonne règle – front, autour de Sihem Badi. Ils ne se déjugeront pas, en effet. Il reste que la survie gouvernementale de la ministre des Affaires de la Femme et de la Famille, (censée se dresser contre le fléau de la pédophilie et non de le cautionner, fut-ce indirectement), sera un cadeau empoisonné pour Ali Laârayedh. Le chef du gouvernement en serait quelque peu freiné dans son élan de socialisation de son équipe, de rehumanisation des structures gouvernementales et de citoyenneté, tout court. Nombreux sont les citoyens, en dépit de leurs idéologies et de leurs divergences, qui croient en le pragmatisme, le réalisme et en le sens de l'élévation du chef du gouvernement. Celui-ci a, en effet, toujours proclamé que le sien « sera le gouvernement de tous les Tunisiens ». Et tous les Tunisiens retiennent leur souffle face à l'ampleur de cet acte immonde. Oui, il est vrai que cela arrive partout. Mais, la Tunisie post-révolutionnaire ne saurait supporter ce genre de dérives et surtout, surtout, elle veut en finir avec le syndrome de l'indignation, toujours ravalée parce que bon nombre parmi nos ministres mettent les pieds dans le plat, drapent en toute désinvolture leurs commentaires et leurs déclarations d'une arrogance démesurée. Car, à la fin des fins, c'est Ali Laârayedh qui en écope. Lui seul sera jugé, sur les actes de ses collaborateurs. Mais, en définitive et au-delà de la sentence de l'ANC, en ce qui concerne Sihem Badi, cette affaire marque déjà une crisette, très médiatisée le plus logiquement du monde, quelque part instrumentalisée, mais une crisette qui pourrait se révéler être une bombe à retardement.