Le parvis du Théâtre municipal de Tunis est cette fois-ci envahi par les amoureux de la danse contemporaine et l'expression corporelle. Jeudi dernier dans l'après-midi, Hamdi Dridi, qui a derrière lui un long passé de danseur, a attiré la foule par sa performance. La rue, il la connait et y est habitué. Il y a quelques années, il a commencé dans les artères de la capitale près de la place de Barcelone à Tunis avant d'investir les planches de la maison de la culture Ibn Zaydoun où il passait huit heures par jour pour des exercices intensifs qui vont faire de lui un danseur professionnel. Après avoir transgressé les tabous et briser les préjugés réducteurs en pratiquant la danse classique, il rejoint la compagnie de danse “ Sybel ballet théâtre ” où il s'est initié à la danse contemporaine. Grâce à Syhem Belkhoja, il a eu la chance d'accompagner de grands chorégraphes d'envergure internationale à l'instar de Kamel Ouali, Maguy Marin, Hervé Robbe… Hamdi enchaîne les expériences en créant la symbiose entre le Hip Hop et danse contemporaine. Au cours de sa performance devant le Théâtre municipal, il a montré comment avec un bout d'élastique attaché à un arbre, il peut apprivoiser son corps pour en tirer le maximum dans une parfaite harmonie entre le geste et le sens. Il ne bouge pas inutilement dans l'espace, il cherche à donner sens à sa dynamique de mouvement en communiquant par les gestes et non par la parole comme le font les politiques. En tout cas, sa performance a donné un éclat à l'artère principale de la capitale et les badauds, généralement bruyants et perturbateurs ont été fascinés par son exploit et l'ont applaudi chaudement. Point de vue sur coin de rue Le coin de la rue choisi, vendredi dernier, est celui du Théâtre municipal pour des raisons de sécurité. Le couple de danseurs de la Compagnie Manifeste a accepté de faire sa représentation dans ce lieu commun hautement symbolique, point de départ des manifestations ayant conduit à la révolution. Un espace de rencontre, de changement de direction, d'apparition et de disparition, pour sa spatialité relative au mouvement. Le couple est rejoint par un autre interprète complice, un Tunisien pour former un trio bien rodé à ce genre d'écriture chorégraphique qui laisse libre cours à l'improvisation étudiée. La pièce jouée a fait apparaître deux espaces dans le même temps, un virtuel qu'on ne voit pas mais qu'on imagine et l'autre tangible, un connu et l'autre reconnaissable, deux réalités distinctes, l'une tunisienne, l'autre française, des visions de l'humanité différentes où les hommes et les femmes continuent de danser. Il s'agit pour les danseurs de réinventer de manière permanente l'espace en évoluant et en improvisant jusqu'à épuisement à partir de modules précis. Les corps se lâchent jusqu'à ne plus tenir debout et l'un des danseurs essaie de les réanimer pour qu'ils reprennent leur vivacité. Les points de vue se multiplient en fonction de là où on se place et les événements auxquels les spectateurs assistent changent. « Point de vue sur coin de rue » est donc une pièce évolutive qui propose de faire voyager des coins de rue d'un endroit du monde à un autre. Ici à Tunis, le spectacle s'est limité uniquement à la danse. Ils manquaient, hélas, les performances visuelles sur écran etc. A voir l'attroupement du public et les ovations nourries, on peut dire que cela a été une belle réussite à renouveler.