Reçu avec beaucoup de curiosité politique, Hamadi Jebali a été copieusement médiatisé au Canada et ses propos ont été systématiquement relayés par la presse arabe et occidentale. Hamadi Jebali a, donc, décidé de se démarquer des pesanteurs caciques de son mouvement. Fort des sondages qui le donnent favori pour la présidence de la République au coude à coude avec Béji Caïd Essebsi, ses prétentions, désormais claires, d'entrer en compétition pour Carthage, lui ont valu une virulente réaction de la part de Rached Ghannouchi, lequel est assuré qu'Ennahdha remportera encore les prochaines élections et que son « élu » pour la présidence obéira, d'une part, aux résolutions du conclave du tout-puissant Majless Echoura et, d'autre part, aux découpages institutionnels qu'infléchiront ses alliances, dont la pré-figuration actuelle irait, selon les estimations, au-delà du CPR et d'Attakatol, ne serait-ce que pour se préparer à l'éventualité d'une bipolarisation en face du pôle montant qu'est l'Union pour la Tunisie. Ennahdha ne pardonnera, en effet, jamais à son ex-poulain Hamadi Jebali d'avoir proclamé le 6ème califat et de s'en être, aussitôt, rétracté ; pas plus qu'elle n'oubliera qu'il avait voulu annihiler l'emprise d'Ennahdha sur le gouvernement en décidant un remaniement avec des ministres de souveraineté neutres. De fait, rétrospectivement, on réalise qu'il avait été acculé à ce remaniement parce qu'il voulait agir en homme d'Etat, indépendant, (imitant inconsciemment Béji Caïd Essebsi, quand il était Premier ministre), ce que son mouvement ne pouvait absolument tolérer. Du coup, ce bras de fer et cette démarcation ont voulu à Hamadi Jebali, des scores alléchants. Surtout des sympathies de la part de la société civile et, même, de l'aile modérée et pragmatique d'Ennahdha qui, comme lui, considère la loi d'immunisation de la Révolution comme fasciste, et l'ambivalence de la mouture de la Constitution sur la liberté de conscience, comme étant une sorte de déni des libertés individuelles et, donc, de la liberté du culte. Hamadi Jebali sera, donc, vraisemblablement, lâché, sinon, carrément, conspué par Ennahdha. Préparons nous à une énième campagne de « Takfir » de diabolisation et, pour contrer cette fronde patente, on ne sait trop quelle technique adoptera Jebali : cavalier seul, ou alliance avec d'autres partis ? Les siens, dans tous les cas de figure, l'accuseront de traihison.