On comprend la fascination ou alors les appréhensions que nourrissent nos concitoyens et nos médias par rapport à ce qui se passe en Egypte. Le nombrilisme péremptoire de nos amis égyptiens aidant, il se meut une espèce de translation dans l'esprit des Tunisiens. Mais nous restons dans le champ spéculatif même si nous partons d'une certitude : l'armée en Tunisie ne s'aventurera jamais à faire ce qu'a fait son homologue égyptienne pour la simple raison que l'Egypte a toujours été, depuis 52, un régime militaire. Occupons-nous plutôt de ce qui nous regarde de près. Aujourd'hui la Tunisie post-révolution accueille pour la première fois un Chef d'Etat français. Rappelons au passage que François Hollande était déjà venu en Tunisie mais il était encore secrétaire général du Parti Socialiste et les Tunisiens n'avaient pas encore entièrement « évacué » le dépit que leur avaient causé Eliott Mary- qui proposait un appui logistique à Ben Ali – et Nicolas Sarkozy ami résolu du président déchu même s'il a refusé de l'accueillir en France. Et d'ailleurs il ne pouvait ramer à contre-courant de l'Histoire. La visite d'Etat de François Hollande réussira-t-elle à dissiper tous les nuages s'étant amoncelés, à cause des incompréhensions mutuelles, les réserves qu'entretient la classe politique française quant aux chances de réussite du processus démocratique en Tunisie et celles de notre pays qui comme le président de la République Moncef Marzouki (qui connait mieux que quiconque la France) ont beaucoup de reproches à adresser à ce pays que nous ressentons parfois proche et que nous voyons assez souvent s'éloigner. C'est que les Tunisiens s'arrogent le droit d'interpeller la France qui a tendance à oublier qu'elle est notre premier partenaire économique dans l'absolu et qu'elle héberge la plus forte colonie tunisienne à l'étranger. De surcroît beaucoup de promesses n'ont pas été tenues. D'abord la France a marqué un petit bémol dans son engagement pour le statut privilégié de la Tunisie au sein de l'Union Européenne. Ensuite cette promesse de 9000 emplois accordés annuellement en France à nos diplômés du supérieur. Et ce qui ajoute encore au dépit tunisien c'est le repli des touristes français, le désengagement de plusieurs entreprises françaises (alors qu'elles sont nombreuses à s'engager dans une Libye pas plus sécurisée que la Tunisie) et aussi cette tendance au langage double. La France officielle se dit en effet disposée à intégrer la dimension civilisationnelle de l'Islam dans l'esprit réhabilitant le dialogue (fantasmé ?) des religions. La France profonde reste, elle, islamophobe comme c'est récurrent dans l'Occident. Hollande aura à cœur de clarifier les choses. Mais nos gouvernants de leur côté seraient inspirés de faire un effort de transparence. Raouf KHALSI